Révision de la prise de position de l’AMM sur le suicide des adolescents


Adoptée par le 43e Assemblée médicale mondiale, Malte, Novembre 1991
et révisée par la 57e Assemblée générale de l’AMM, Pilanesberg, Afrique du Sud,
et par la 67e Assemblée générale de l’AMM, Taipei, Taiwan, Octobre 2016

PRÉAMBULE

Au cours des dernières décennies, il s’est produit un changement important concernant les causes de mortalité chez les adolescents. Alors que la plupart de ces derniers mouraient précédemment d’une mort naturelle, aujourd’hui ils risquent davantage de mourir de causes prévisibles. Ainsi assiste-t-on au niveau mondial à une augmentation du suicide chez les jeunes dans les pays développés comme dans les pays en voie développement. Parmi les adolescents, le suicide est actuellement l’une des causes majeures de décès. On sous-estime probablement les suicides à cause de la stigmatisation culturelle et religieuse liée à l’autodestruction et à un refus de voir dans certains traumatismes, tout comme dans quelques accidents de la route, une cause volontaire.

Le suicide d’un adolescent est une tragédie affectant non seulement l’individu mais aussi la famille, ses semblables et son entourage. Souvent, le suicide est vécu par les parents, les amis et médecins comme un échec personnel, ces derniers se reprochant de ne pas avoir décelé les signes d’avertissement. C’est également considéré comme un échec par la communauté ce qui prouve bien que la société moderne souvent n’assure pas un environnement nourricier, fraternel et sain permettant aux enfants de grandir et d’évoluer.

Il existe différents facteurs de suicide dont notamment : les troubles affectifs, les traumatismes, la solitude émotionnelle, le manque d’estime de soi, les graves tensions émotionnelles, les troubles alimentaires, le harcèlement ( à l’école, sur internet  et le harcèlement sexuel), les fantasmes romantiques, la recherche de sensations fortes, l’abus de drogues et d’alcool, l’existence d’armes à feu et d’autres agents d’autodestruction ainsi que les media rapportant des cas de suicides d’adolescents susceptibles d’inspirer des actes similaires. De plus l’exposition prolongée au média électronique, qui concerne principalement les adolescents au travers des jeux électroniques et des réseaux sociaux, peut contribuer à un isolement social, à des échecs scolaires et à un mal être parmi les jeunes.

Les jeunes dans les maisons de correction courent davantage de risques de suicide que la population en général tout en ayant moins de moyens disponibles. Le manque de ressources rend difficile l’identification de ceux  présentant des risques suicidaires.

On constate une proportion de suicides d’adolescent plus élevée au sein des populations “Autochtones” de certains pays. Les raisons pour cela sont complexes.

Les adolescents sont mieux soignés lorsque les médecins délivrent des prestations complètes, une évaluation et un traitement à caractère médical et psychosocial. Des soins complets et permanents permettent au médecin de recueillir les renseignements nécessaires pour identifier les adolescents présentant des risques suicidaires ou ayant un comportement autodestructeur. Ce type de prestations aide également à établir une relation patient-médecin socialement protectrice et susceptible de contrecarrer les mauvaises influences que subissent les adolescents dans leur entourage.

Dans son travail de prévention du suicide des adolescents, L’Association Médicale Mondiale reconnaît la nature complexe du développement bio-psycho-social de l’adolescent, les mutations sociales dans le monde auxquelles sont confrontés les adolescents et l’introduction de nouveaux agents plus létaux d’autodestruction. En réponse à ces préoccupations, elle recommande aux Associations Médicales Nationales d’adopter les directives suivantes pour les médecins. En agissant ainsi, nous reconnaissons que de nombreux autres acteurs – parents, gouvernements, agences, écoles, communautés, services sociaux – ont aussi un rôle important dans ce domaine.

RECOMMENDATIONS

  1. Tout médecin doit, au cours de ses études et pendant sa formation postuniversitaire, recevoir une formation en psychiatrie pédiatrique, y compris sur les facteurs de risque de suicide.
  2. La formation des médecins devrait permettre l’identification des premiers signes ou des premiers symptômes de détresse physique, émotionnelle et sociale chez l’adolescent. Ils devraient aussi être aussi formés à l’identification des signes et troubles psychiatriques tels que la dépression, les troubles bipolaires et l’addiction à des substances susceptibles de contribuer au suicide ainsi qu’aux autres comportements autodestructeurs.
  3. Les médecins devraient apprendre comment et quand évaluer un risque de suicide parmi ses patients adolescents.
  4. Les médecins doivent connaître et se tenir à jour des traitements, savoir où diriger ses patients adolescents quel que soit le degré de leur comportement autodestructeur. Les médecins ayant la plus grande formation en matière de suicide des adolescents sont les psychiatres pédiatres et c’est à l’un d’entre eux lorsqu’il existe que devraient être adressés les patients.
  5. Les médecins devraient aussi collaborer avec d’autres personnes compétentes telles que les travailleurs sociaux, les cadres scolaires et les psychologues spécialisés dans le comportement des enfants et des adolescents.
  6. Lorsqu’ils soignent des adolescents ayant un quelconque type de traumatisme, les médecins doivent envisager la possibilité que ces blessures résultent d’un acte volontaire.
  7. Lorsqu’ils soignent des adolescents présentant une détérioration au niveau cognitif, sentimental ou comportemental, il faudrait penser à l’abus de substances et l’addiction et fixer un faible seuil au-delà duquel un test toxicologique par les urines s’impose.
  8. Les systèmes de santé doivent permettre l’organisation de consultations de santé mentale afin de prévenir les suicides et prendre financièrement en charge les soins médico-sociaux des patients ayant fait une tentative de suicide. Les services doivent être adaptés aux besoins spécifiques des patients adolescents.
  9. Il faudrait de mener des études épidémiologiques sur le suicide, ses facteurs de risques ainsi que ses méthodes de prévention. Les médecins devraient être toujours informés de telles études.
  10. Lorsqu’ils soignent des adolescents présentant des troubles psychiatriques ou des risques suicidaires, les médecins devraient éduquer les parents ou les tuteurs à être attentifs aux signes de suicide et leur apprendre les modes d’évaluation.
  11. Les médecins devraient soutenir l’identification des groupes d’adolescents à risque avec la mobilisation de ressources identifiées spécifiquement à la prévention et la réduction des risques.
Statement
Adolescent Medicine, Prevention, Psychological Trauma, Suicide