Prise de position de l’AMM sur le droit à la réadaptation pour les victimes de torture


Adoptée par la 64ème Assemblée Générale de l’AMM, Fortaleza, octobre 2013 et
réaffirmée avec des révisions mineures par le 224ème Conseil de l’AMM, Kigali, Rwanda, octobre 2023

 

PRÉAMBULE

L’Association médicale mondiale observe avec une grande inquiétude la persistance du recours à la torture dans de nombreux pays à travers le monde.

L’AMM réaffirme sa condamnation totale de toute forme de torture et de tout autre peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant tels que définis par la Convention des Nations unies contre la torture (CAT, 1984). La torture est l’une des violations les plus graves du droit international des droits humains, dont les conséquences sont dévastatrices pour les victimes, leurs familles et la société dans son ensemble. La torture cause de graves dommages physiques et psychologiques et constitue un crime absolument prohibé par le droit international.

L’AMM réaffirme ses politiques précédemment adoptées, à savoir :

L’évaluation médicale est un facteur essentiel dans la documentation de la torture et la réparation des victimes de torture. Les médecins ont un rôle décisif à jouer dans la collecte d’informations sur la torture, l’apport de preuves de torture à des fins judiciaires ainsi que dans le soutien et la réadaptation des victimes.

L’AMM note l’adoption en décembre 2012 par le Comité des Nations unies contre la torture de l’Observation générale no 3 sur l’application par les États parties de l’article 14 de la Convention contre la torture, ayant trait au droit des victimes de torture à réparation. L’Observation générale met l’accent sur le droit à la réadaptation en tant qu’obligation des États et précise la portée de ces services. L’AMM salue notamment :

  • l’obligation des États parties d’adopter une « approche à long terme et intégrée et faire en sorte que des services spécialisés dans la prise en charge des victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements soient disponibles, appropriés et facilement accessibles », sans que l’accès à ces services soit subordonné à une action en justice engagée par la victime [1] ;
  • la reconnaissance du droit des victimes à choisir le prestataire de services de réadaptation, qu’il s’agisse d’un établissement de l’État ou d’un prestataire de services non gouvernemental financé par l’État ;
  • la confirmation que les États parties devraient assurer aux victimes de torture un accès aux programmes de réadaptation dès que possible après évaluation par des professionnels de la médecine qualifiés et indépendants ;
  • les références concernant les mesures visant à protéger les professionnels de la santé et de la justice, à mettre au point une formation spécifique sur le Protocole d’Istanbul pour les professionnels de santé et à promouvoir le respect des normes internationales et des codes de conduite internationaux destinés aux fonctionnaires y compris le personnel médical, les psychologues et le personnel des services sociaux [2].

L’AMM prend note que depuis l’adoption de l’Observation générale sur l’application de l’article 14 par les États parties, d’importantes évolutions ont eu lieu en matière de pratiques de réadaptation et de contrôle du respect de leurs obligations par les États :

 

RECOMMANDATIONS

  1. L’AMM souligne le rôle vital de la réparation pour les victimes de torture et leurs familles, laquelle contribue à leur capacité à reconstruire leur vie et à se rétablir, ainsi que le rôle des médecins dans la réadaptation.
  2. L’AMM encourage ses associations membres à travailler avec les agences concernées, gouvernementales ou non, participant à la réparation des victimes de torture, notamment dans les domaines de la documentation, de la réadaptation et de la prévention et ce faisant, à utiliser le Protocole d’Istanbul révisé et les normes mondiales en matière de réadaptation.
  3. L’AMM encourage ses membres à soutenir les agences menacées ou sujettes à des mesures de rétorsion de la part d’États parties en raison de leur implication dans la recherche d’information sur des actes de torture et dans la réadaptation et la réparation des victimes de torture.
  4. L’AMM appelle ses membres à mettre à profit leur expérience médicale pour soutenir les victimes de la torture conformément à l’article 14 de la Convention des Nations unies contre la torture, y compris en les aidant à devenir actrices de leur processus de réadaptation à travers des programmes officiels destinés aux survivants.
  5. L’AMM appelle ses associations membres à soutenir et à faciliter le recueil de données au niveau national, en utilisant les indicateurs établis pour le droit à la réadaptation pour contrôler la mise en œuvre, par les États, de leur obligation de fournir des services de réadaptation.

 

[1] Paragraphe 13 de l’Observation générale
[2] Paragraphe 18 de l’Observation générale
[3] Global Impact Data — IRCT