Prise de position de l’AMM sur le droit à la réhabilitation des victimes de torture


Adoptée par la 64ème Assemblée Générale de l’AMM, Fortaleza, octobre 2013

PREAMBULE

L’Association Médicale Mondiale observe avec une grande inquiétude le recours continu à la torture dans de nombreux pays à travers le monde.

L’AMM réaffirme sa condamnation totale de toute forme de torture et de toute autre peine ou traitement  cruel, inhumain ou dégradant tel que défini par la Convention des NU contre la torture (CAT, 1984). La torture est l’une des violations les plus graves de la loi sur les droits humains internationaux et s’avère dévastatrice pour les victimes, leurs familles et la société dans son ensemble.  La torture provoque de graves blessures physiques et mentales et constitue un crime totalement prohibé par la loi internationale.

L’AMM réaffirme ses politiques précédemment adoptées, à savoir: 

  • La Déclaration de Tokyo fournissant des directives aux médecins concernant la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en lien avec la détention et l’incarcération (1975) ;
  • La Déclaration de Hambourg sur le soutien des médecins refusant de prendre part ou de fermer les yeux sur l’usage de la torture ou d’autres peines ou traitements   cruels, inhumains ou dégradants (1997) ;
  • La Résolution sur la responsabilité des médecins dans la documentation et la dénonciation des actes de torture ou autres peines et traitements   cruels, inhumains ou dégradants (2003).

L’évaluation médicale est un facteur essentiel dans l’optique d’une documentation de la torture et de la réparation des victimes de la torture. Les médecins ont un rôle décisif à jouer pour la collecte des informations sur la torture, l’apport de preuves de torture à des fins légales ainsi que pour le soutien et la réhabilitation des victimes.

L’AMM note l’adoption en novembre 2012 par le Comité des NU contre la torture du Commentaire  Général sur l’application de l’article 14 de la Convention contre la torture, ayant trait au droit à la réparation pour les victimes de la torture.

Le Commentaire Général met l’accent sur le droit à la réhabilitation en tant qu’obligation des Etats et spécifie  la portée de ces services. L’AMM salue notamment :

  • L’obligation des Etats d’adopter une « approche à long terme et intégrée ainsi que d’assurer que des services spécialisés disponibles pour les victimes de la torture ou de mauvais traitements,  appropriés et rapidement accessibles » (parag. 13) sans que l’accès à ces services soit lié à la demande de  réparations judiciaires de la part de la victime.
  • La reconnaissance du droit des victimes à choisir le prestataire de services de réhabilitation, qu’il s’agisse d’un établissement de l’état ou d’un prestataire de services non gouvernemental financé par l’état.
  • La confirmation  que les « victimes de la torture doivent bénéficier d’un accès aux programmes de réhabilitation de la part de l’état dès que possible après  évaluation  par des professionnels de la médecine  qualifiés et indépendants.
  • Les références figurant au paragraphe 18 concernant les mesures visant à protéger les professionnels de la santé et de la justice, à mettre au point une formation spécifique sur le Protocole d’Istanbul pour les professionnels de santé et à promouvoir le respect des normes et codes internationaux de conduite de la part des fonctionnaires y compris le personnel médical, les psychologues et  le personnel des services sociaux.

 RECOMMANDATIONS

L’AMM souligne le rôle vital de la réparation des victimes de la torture et de leurs familles pour qu’ils puissent reconstruire leur vie et se rétablir ainsi que le rôle des médecins pour la réhabilitation ;

L’AMM encourage ses associations membres à travailler avec les agences concernées, gouvernementales ou non – travaillant à la réparation des victimes de la torture, notamment en matière de documentation et de réhabilitation ainsi que de prévention ;

L’AMM encourage ses membres à soutenir les agences menacées ou sujettes à des mesures de rétorsion de la part des Etats en raison de leur implication dans l’apport de preuves d’actes de torture, la réhabilitation et la réparation des victimes de torture ;

L’AMM appelle ses membres à mettre à profit leur expérience médicale pour soutenir les victimes de la torture en accord avec l’article 14 de la Convention des NU contre la torture ;

L’AMM appelle ses associations membres à soutenir et à faciliter la collecte de données au niveau national pour contrôler que l’Etat remplisse ses obligations quant à la fourniture  de  services de réhabilitation.

Prise de position