Adoptée par la 68ème Assemblée Générale de l’AMM à Chicago, Etats-Unis, octobre 2017
Et réaffirmée avec des révisions mineures par le 221ème Conseil de l’AMM, Berlin, Allemagne, octobre 2022

 

PRÉAMBULE

La déclaration de Tokyo aux médecins de participer à des actes de torture ou à d’autres formes de traitement cruel, inhumain ou dégradant et les appelle à préserver la confidentialité des informations médicales.

Les Principes d’éthique médicale applicables au personnel de santé, en particulier aux médecins, dans la protection des prisonniers et des détenus contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants interdisent au personnel de santé « de se livrer, activement ou passivement, à des actes par lesquels ils se rendent coauteurs, complices ou instigateurs de tortures et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants ou qui constituent une tentative de perpétration ».

Depuis 2011, dans au moins onze pays, des médecins ont participé à des examens anaux forcés d’hommes et de femmes transgenres, accusés de relations sexuelles entre adultes consentants de même sexe, en vue de prouver cette accusation ;

Le Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture a décrit les examens anaux forcés comme une forme de torture ou de traitement cruel, inhumain et dégradant « médicalement infondé » en raison de l’invalidité scientifique de ces tests.

En outre, dans sa prise de position sur les examens anaux visant à prouver des allégations d’homosexualité, l’Independent Forensic Expert Group, un groupe indépendant d’experts légistes composé de spécialistes de la médecine médico-légale du monde entier, a établi que « l’examen n’a aucune valeur pour détecter des anomalies de la tonicité du sphincter anal pouvant être attribuées de façon crédible à des rapports sexuels anaux consentis ».

L’AMM est profondément choquée de la complicité de médecins dans ces examens non volontaires et non scientifiques, y compris dans la préparation de rapports médicaux utilisés au cours de procès visant à condamner des hommes et des femmes transgenres pour relations sexuelles consenties avec des personnes du même sexe.

Conformément à sa prise de position sur la fouille corporelle de prisonniers, l’AMM rappelle que les examens forcés ne sont pas acceptables sur le plan éthique et que les médecins doivent s’y refuser.

Bien que des membres du personnel médical mettent en avant le fait que les personnes accusées donnent leur consentement pour de tels examens, la possibilité de personnes en détention de donner un consentement libre et éclairé est limitée. Même si le consentement est donné librement, les médecins devrait s’abstenir d’effectuer des actes scientifiquement et médicalement infondés, discriminatoires et potentiellement incriminants.

  

RECOMMANDATIONS

Reconnaissant que les personnes qui ont subi des examens anaux forcés ont décrit ces examens comme douloureux, humiliants et s’apparentant à des agressions sexuelles, et rappelant que des médecins ne sauraient en aucun cas participer à des actes de torture ou à toute forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant, l’AMM :

  1. appelle ses membres constituants, les médecins et les autres professionnels de santé à refuser fermement de participer à des examens anaux forcés, car ils ne sont pas médicalement fondés ;
  2. demande expressément à ses membres constituants de rédiger des règles écrites interdisant à leurs membres de participer à de tels examens ;
  3. demande expressément à ses membres constituants de former les médecins et les autres professionnels de santé au caractère vain et non scientifique des examens anaux forcés et de leur faire savoir qu’il s’agit d’une forme de torture ou de traitement cruel, inhumain et dégradant ;
  4. appelle l’Organisation mondiale de la santé à prendre officiellement position pour condamner les examens anaux forcés visant à prouver des relations sexuelles entre personnes du même sexe en tant que violation de l’éthique médicale, scientifiquement infondés.

Adoptée par la 182e Session du Conseil de l’AMM, Tel Aviv, mai 2009

Considérant que :

De récents rapports dans le monde font mention de pratiques très préoccupantes de la part des professionnels de santé dont la participation directe à des mauvais traitements, au suivi de méthodes spécifiques de mauvais traitements et la participation à des interrogatoires ;

L’AMM PREND LA RESOLUTION SUIVANTE :

  1. Réaffirme sa Déclaration de Tokyo: « Directives, à l’intention des médecins, sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en relation avec la détention et l’emprisonnement » qui interdisent aux médecins de participer ou même d’être présents pendant des actes de torture ou d’autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Demande expressément aux Associations Médicales Nationales d’informer les médecins et les gouvernements sur la Déclaration et son contenu.
  2. Réaffirme sa Déclaration de Hambourg : sur le Soutien aux Médecins qui Refusent toute Participation ou Caution à l’Utilisation de la Torture ou autre Forme de Traitement Cruel, Inhumain ou Dégradant.
  3. Réaffirme sa résolution : Responsabilité des médecins dans la documentation et la dénonciation des actes de torture ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants dont ils ont connaissance.
  4. Demande expressément aux associations médicales nationales de soutenir publiquement ce principe fondamental de l’éthique médicale et d’enquêter sur toute violation de ces principes par des membres des associations dont ils ont connaissance.
  5. Reaffirms its Declaration of Tokyo: Guidelines for Physicians Concerning Torture and other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishment in Relation to Detention and Imprisonment, which prohibits physicians from participating in, or even being present during, the practice of torture or other forms of cruel, inhuman or degrading procedures, and urges National Medical Associations to inform physicians and governments of the Declaration and its contents.
  6. Reaffirms its Declaration of Hamburg: Support for Medical Doctors Refusing to Participate in or to Condone the use of Torture or other Forms of Cruel, Inhuman or Degrading Treatment.
  7. Reaffirms its Resolution: Responsibility of Physicians in the Denunciation of Acts of Torture or Cruel or Inhuman or Degrading Treatment of Which they are Aware.
  8. Urges national medical associations to speak out in support of this fundamental principle of medical ethics and to investigate any breach of these principles by association members of which they are aware.

Adoptée par la 43e Assemblée Médicale Mondiale Malte, Novembre 1991,
et révisée sur le plan rédactionnel par la 44e Assemblée Médicale Mondiale, Marbella, Espagne, Novembre 1992,
et révisée par la 57e Assemblée Générale de l’AMM, Pilanesberg, Afrique du Sud, Octobre 2006
et par la 68ème Assemblée générale, Chicago, Etats-Unis, Octobre 2017

 

PRÉAMBULE

1.      Les grèves de la faim se déroulent dans différents contextes mais la plupart du temps elles posent un dilemme là où les personnes sont détenues (prisons, établissements pénitentiaires, centres de rétention d’immigrés). Elles traduisent généralement une protestation de personnes qui n’ont pas d’autre manière de faire connaître leurs revendications. En refusant de s’alimenter sur une longue période, ces détenus peuvent espérer atteindre certains objectifs tout en donnant une mauvaise image des autorités. Le fait de refuser toute alimentation à court terme ou de simuler un tel refus soulève rarement des problèmes éthiques. Un jeûne prolongé peut entraîner la mort ou des dommages irréversibles. Face aux grévistes de la faim, les médecins peuvent se trouver dans un conflit de valeurs. Les grévistes de la faim souhaitent rarement mourir mais certains peuvent s’y préparer pour atteindre leurs objectifs.

2.      Les médecins ont besoin de connaître la véritable intention d’une personne, notamment lors d’une grève collective ou dans des situations ou la pression des pairs peut l’influencer. Il peut être émotionnellement difficile d’assister des grévistes de la faim qui ont manifestement donné des instructions précises pour ne pas être soignés et qui atteignent un stade où ils perdent leurs capacités cognitives. Le principe de bienfaisance pousse les médecins à les réanimer mais le respect de l’autonomie empêche les médecins d’intervenir lorsque les grévistes de la faim s’y sont opposés en toute connaissance de cause. Cette question a été travaillée dans le cadre d’autres situations cliniques, y compris des cas de refus d’un traitement vital. D’autres problèmes se posent dans les établissements pénitentiaires car on ne sait jamais précisément si les instructions données par le gréviste de la faim reposent sur sa propre volonté et sa pleine connaissance des conséquences ultérieures.

PRINCIPES

3.      Devoir d’agir conformément à l’éthique. Tous les médecins ont un devoir éthique dans leurs relations professionnelles avec des personnes vulnérables, même lorsqu’il ne leur est pas demandé de les traiter. Quel que soit leur rôle, les médecins doivent tenter d’éviter toute coercition ou mauvais traitement des détenus et protester si de tels actes se produisaient.

4.      Respect de l’autonomie. Les médecins doivent respecter l’autonomie des personnes, qui peut être difficile à évaluer car le souhait véritable du gréviste de la faim peut ne pas être aussi clair que les apparences le laissent penser. Une décision n’a aucune valeur morale si elle est prise sous la menace, la pression des pairs ou la coercition. Les grévistes de la faim ne doivent pas être contraints à subir un traitement qu’ils refusent. Préconiser ou procéder à l’alimentation forcée en dépit d’un refus volontaire et éclairé n’est pas justifiable. L’alimentation artificielle du gréviste avec son consentement explicite ou nécessairement implicite est acceptable d’un point de vue éthique.

5.      « Bienfaits » et « nuisances ». Les médecins doivent mettre leurs compétences et connaissances au service de ceux qu’ils traitent. Il s’agit du concept de « bienfaisance » qui complété par celui de « malfaisance » ou Primum non nocere. Ces deux concepts doivent être en équilibre. Le « bienfait » implique de respecter les souhaits de la personne et de favoriser son bien-être. Prévenir la « nuisance » signifie non seulement limiter les dégâts sur la santé mais aussi ne pas contraindre à un traitement des personnes capables et ne pas les forcer à mettre fin à leur jeûne. Les bienfaits ne signifient pas prolonger à tout prix la vie, sans égard pour d’autres déterminants.

Les médecins doivent respecter l’autonomie des personnes capables, même lorsqu’il est prévisible que leur comportement leur nuira. La perte d’autonomie ne signifie pas qu’un refus éclairé de traitement, y compris l’alimentation forcée, exprimé antérieurement, puisse être ignoré.

6.      Équilibrer les loyautés contradictoires. Les médecins qui assistent les grévistes de la faim peuvent vivre un conflit entre leur loyauté vis-à-vis des autorités qui les emploient (telles que les autorités pénitentiaires) et leur loyauté vis-à-vis des patients. Dans cette situation, les médecins confrontés à un conflit de loyauté sont liés par les mêmes principes éthiques que les autres médecins, à savoir que leur obligation première les engage envers leur patient. Les médecins demeurent indépendants de leur employeur en ce qui a trait à leurs décisions médicales.

7.      Indépendance médicale. Les médecins doivent demeurer objectifs dans leur évaluation et ne pas permettre à des tiers d’influencer leur jugement médical. Ils ne doivent pas se laisser convaincre de violer leurs principes éthiques, comme accepter d’intervenir pour des raisons non médicales.

8.      Confidentialité. Le devoir de confidentialité est important pour instaurer la confiance sans pour autant être impératif. Il peut ne pas être rempli si la non divulgation d’informations fait courir aux autres un danger grave et imminent. Comme avec d’autres patients, la confidentialité des échanges avec des grévistes de la faim doit être respectée à moins que ceux-ci n’acceptent la communication des informations ou que le partage des informations ne soit nécessaire pour prévenir un danger grave. Si les personnes acceptent la communication de renseignements, leurs familles et les conseillers juridiques doivent être tenus informés de la situation.

9.      Établir la confiance. Établir un lien de confiance entre médecins et grévistes de la faim est souvent la clé pour résoudre la situation en respectant les droits de ces derniers et en limitant les conséquences de leur grève sur leur santé. La confiance peut créer des possibilités de résoudre des situations difficiles. La confiance dépend de l’aptitude des médecins à donner de bons conseils et à se montrer francs à l’égard des grévistes de la faim au sujet des limites de ce qu’ils peuvent faire, y compris dans les situations dans lesquelles les médecins ne pourront pas préserver la confidentialité.

10.    Les médecins doivent évaluer les capacités mentales des personnes qui souhaitent entamer une grève de la faim. Cela suppose de vérifier que les personnes qui souhaitent jeûner ne présentent pas de troubles mentaux qui pourraient les empêcher de prendre des décisions éclairées au sujet de leur santé. Les personnes dont les capacités mentales sont gravement compromises pourraient ne pas être à même d’évaluer les conséquences de leurs actes si elles entamaient une grève de la faim. Les personnes dont les troubles mentaux sont curables devraient être aiguillées vers les soins nécessaires et recevoir un traitement adapté. Les personnes dont les troubles sont incurables, y compris une grave incapacité à apprendre ou une démence avancée doivent recevoir un traitement et un appui qui leur permette de prendre des décisions compatibles avec leurs aptitudes.

11.    Dès que possible, les médecins doivent obtenir un historique médical détaillé de la personne qui prévoit de jeûner. Les implications médicales de toute pathologie existante doivent être expliquées à la personne. Les médecins doivent s’assurer que les grévistes de la faim comprennent les conséquences possibles du jeûne sur leur santé et les prévenir en langage clair des inconvénients. Les médecins doivent également expliquer comment réduire ou différer les risques pour leur santé, par exemple en absorbant davantage de liquide et de vitamine B1 (thiamine). La personne pouvant changer d’avis au sujet de sa grève de la faim, il est essentiel d’assurer qu’elle est bien informée des conséquences médicales d’un jeûne. Conformément aux bonnes pratiques relatives au consentement dans les soins de santé, le médecin doit s’assurer que le patient comprend bien les informations qui lui sont données en les lui faisant répéter.

12.    Il convient de pratiquer un examen approfondi du gréviste de la faim au début de son jeûne et notamment de le peser. Il convient également de discuter de la gestion de futurs symptômes, y compris ceux qui ne sont pas liés au jeûne. De même, le médecin doit prendre note des valeurs et des souhaits concernant le traitement médical en cas de jeûne prolongé. Si le gréviste de la faim y consent, un examen médical devrait être pratiqué régulièrement afin de décider des traitements nécessaires. L’environnement physique doit être évalué pour élaborer des recommandations visant à prévenir les effets négatifs.

13.    Il est essentiel de maintenir la communication entre le médecin et les grévistes de la faim. Les médecins devraient vérifier quotidiennement si les individus souhaitent poursuivre leur grève de la faim et les interroger sur ce qu’ils souhaitent voir fait lorsqu’ils ne seront plus en mesure de communiquer d’une manière compréhensible. Le médecin doit s’efforcer d’identifier si la personne souhaite, si ses demandes ne sont pas satisfaites, continuer le jeûne jusqu’à sa mort. Ces indications doivent être consignées de manière adéquate.

14.    Parfois, les grévistes de la faim acceptent une transfusion de solution saline ou d’autres formes de traitement médical. Un refus d’accepter certaines interventions ne doit pas nuire à d’autres formes de soins, comme le traitement d’une infection ou de douleurs.

15.    Les médecins doivent s’entretenir en privé avec les grévistes de la faim et sans être entendus des autres, y compris des autres détenus. Il est essentiel d’entretenir une communication claire et au besoin on peut faire appel à des interprètes sans lien de dépendance avec les autorités compétentes, qui seront eux aussi tenus de préserver la confidentialité des échanges.

16.    Les médecins ont besoin d’être certains que le refus de nourriture ou de traitement est le propre choix de la personne. Les grévistes de la faim doivent être à l’abri de toute contrainte. Les médecins peuvent souvent y contribuer et doivent savoir que la coercition peut être exercée par des pairs, des autorités ou d’autres personnes telles que les membres de la famille. Les médecins et les autres soignants ne sauraient faire pression sur les grévistes de la faim pour les faire interrompre leur grève. Les traitements et soins ne sauraient être conditionnés à l’arrêt de leur grève de la faim. Toute restriction ou pression telle que la pose de menottes, l’isolement, le fait d’attacher le gréviste à son lit ou toute autre sorte de contrainte physique sanctionnant la grève de la faim est intolérable.

17.    Si un médecin est incapable pour des raisons de conscience d’accepter le refus de traitement ou d’alimentation artificielle d’un gréviste de la faim, il doit le faire savoir clairement et assurer que le gréviste de la faim est orienté vers un autre médecin qui cautionnera son refus.

18.    Lorsqu’un médecin prend en charge le gréviste de la faim, ce dernier peut déjà avoir perdu ses facultés mentales et être dans l’impossibilité d’exprimer clairement ses souhaits concernant une intervention médicale visant à lui sauver la vie. Il convient d’examiner et de respecter les instructions données à l’avance par le gréviste de la faim. Les refus préalables de traitement doivent être respectés s’ils reflètent la volonté de la personne lorsqu’elle était apte à l’indiquer. Dans les lieux de privation de liberté, l’éventualité que les instructions anticipées aient été données sous la contrainte doit être envisagée. Lorsque les médecins ont de sérieux doutes sur les intentions de la personne, ses instructions doivent être prises en compte avec la plus grande prudence. Si ces instructions sont éclairées et volontaires en revanche, elles ne peuvent généralement être ignorées que parce que l’évolution de la situation les a rendues caduques après que la personne a perdu ses facultés.

19.    S’il est impossible de discuter avec la personne, qu’elle n’a pas donné d’instructions à l’avance et qu’aucun indice ne figure dans son dossier médical, les médecins doivent agir selon ce qu’ils considèrent être l’intérêt de la personne. Cela signifie tenir compte des souhaits exprimés précédemment par le gréviste de la faim, de ses valeurs personnelles et culturelles et de son état de santé. En l’absence de toute preuve de la volonté de la personne en grève, les médecins doivent décider, sans être influencés par des tiers, de l’opportunité d’alimenter ou non la personne.

20.    Dans certains cas rares et exceptionnels, les médecins peuvent ignorer les instructions préalables de refus de traitement, par exemple s’ils pensent que ce refus a été obtenu par contrainte. Si après réanimation et récupération de ses facultés mentales le gréviste de la faim réitère son intention de jeûner, sa décision doit être respectée. Il est conforme à l’éthique de laisser un gréviste de la faim déterminé mourir avec dignité plutôt que de le soumettre à des interventions répétées contre sa volonté. Les médecins qui interviennent en dépit d’un refus préalable de traitement doivent se préparer à répondre de leurs actes devant les autorités compétentes, y compris les autorités professionnelles.

21.    L’alimentation artificielle peut se justifier sur le plan éthique si le gréviste de la faim l’accepte en son âme et conscience. Cependant, conformément à la déclaration de Tokyo de l’AMM, si un prisonnier refuse toute nourriture tout en étant considéré par les médecins comme capable d’exprimer un jugement rationnel et non altéré sur les conséquences de sa décision, il ne doit pas être nourri de manière artificielle. L’alimentation artificielle peut être acceptée si des personnes incapables n’ont pas laissé d’instructions opposées à l’alimentation, afin de préserver leur vie ou pour éviter de graves séquelles irréversibles. L’hydratation rectale ne saurait être utilisée comme thérapie pour la ré-hydratation ou le soutien nutritionnel de patients en période de jeûne.

22.    Lorsqu’un patient est physiquement capable de commencer à se nourrir oralement, toutes les précautions doivent être prises pour assurer la mise en œuvre des lignes directrices les plus récentes au sujet de la ré-alimentation.

23.    Tous les types d’intervention visant l’alimentation entérale et parentérale d’un gréviste qui dispose de ses facultés mentales contre sa volonté sont considérés comme de l’alimentation forcée. L’alimentation forcée est toujours contraire à l’éthique. Même dans un but charitable, l’alimentation accompagnée de menaces, de coercition, de l’usage de la force ou de la contrainte physique sont une forme de traitement inhumain et dégradant. Tout aussi inacceptable est l’alimentation forcée de certains détenus afin d’intimider ou de contraindre d’autres grévistes de la faim de mettre fin à leur jeûne.

RÔLES DES ASSOCIATIONS MÉDICALES NATIONALES ET DE L’AMM

24.    Les associations médicales nationales (AMN) devraient organiser et fournir des programmes éducatifs mettant en valeur les dimensions éthiques des grèves de la faim, des approches, des traitements et des interventions médicaux appropriés Elles devraient s’efforcer de renforcer les compétences et les connaissances des médecins.

Les AMN doivent travailler à proposer des mécanismes d’appui aux médecins travaillant dans les prisons, les établissements pénitentiaires et les centres de rétention des immigrés, qui peuvent se trouver en situation de conflit de loyauté et, comme il est précisé dans la déclaration d’Hambourg de l’AMM, doivent soutenir les médecins qui subissent des pressions pour transiger sur leurs principes.

Il incombe aux AMN de s’efforcer d’empêcher les pratiques contraires à l’éthique, de prendre position, d’enquêter sur les violations des principes éthiques et de les dénoncer.

25.    L’Association médicale mondiale soutiendra les médecins et les AMN qui sont confrontés à des pressions politiques parce qu’ils défendent une position éthiquement fondée, comme elle le proclame dans sa déclaration d’Hambourg.

Portuguais

 

Adoptée par la 54e Assemblée Générale de l’AMM, Helsinki, Septembre 2003,
révisée par la 58e Assemblée Générale de l’AMM, Copenhague, Danemark, Octobre 2007,
rédaction révisée à la 179e Session du Conseil, Divonne-les-Bains, France, Mai 2008
et par la 71ème Assemblée générale de l’AMM (en ligne), Cordoue, Espagne, Octobre 2020

 

PRÉAMBULE

La dignité et la valeur de tout être humain sont reconnues au niveau international et sont proclamées dans de nombreux codes d’éthique et instruments juridiques de codification des droits humains, y compris la Déclaration universelle des droits de l’homme. Tout acte de torture et toute peine ou tout traitement cruel, inhumain ou dégradant constitue une violation de ces codes et ne saurait être compatible avec les principes éthiques affirmés par ces codes et instruments juridiques. Ces codes sont énumérés à la fin de cette prise de position (1).

Il n’existe cependant pas, dans les codes professionnels d’éthique médicale et les textes législatifs, de référence cohérente et explicite à une obligation faite aux médecins de constater et de dénoncer tout acte de torture ou tout acte cruel, inhumain ou dégradant dont ils auraient connaissance.

Or le compte-rendu et la dénonciation rigoureux et cohérents des actes de torture ou des peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants par les médecins contribuent à la protection de l’intégrité physique et mentale des victimes et des droits dont elles jouissent en qualité d’êtres humains. L’absence de compte rendu et de dénonciation de tels actes peut être considérée comme une forme de tolérance de ces pratiques.

En raison des séquelles psychologiques dont elles souffrent ou des pressions qu’elles subissent, les victimes sont souvent incapables de porter plainte elles-mêmes contre les auteurs des actes de torture, les peines ou les traitements cruels, inhumains ou dégradants qu’elles ont endurés, ou réticentes à le faire.

En décrivant ces séquelles et en traitant les victimes de torture, immédiatement ou longtemps après que ces actes aient été commis, les médecins sont des témoins des effets de ces violations des droits humains.

L’AMM reconnaît qu’en certaines circonstances, le compte rendu et la dénonciation d’actes de torture peuvent mettre en danger le médecin et les personnes qui l’entourent. Les conséquences personnelles de ce signalement peuvent être excessives.

La présente prise de position porte sur les actes de torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants tels que définis dans la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, à l’exclusion expresse du rôle des médecins dans l’évaluation de la détention, telle que décrite dans l’ensemble de règles a minima des Nations unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela).

 

RECOMMANDATIONS

L’AMM recommande à ses membres constituants :

  1. de promouvoir la diffusion, auprès des médecins et au niveau national, du Protocole d’Istanbul, y compris ses Principes relatifs aux moyens d’enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants pour établir la réalité des faits ;
  2. d’encourager la formation des médecins à l’identification de différentes méthodes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, afin de leur permettre de réaliser des constats médicaux de haute qualité pouvant servir d’élément de preuve dans des procédures judiciaires ou administratives ;
  3. d’encourager la formation professionnelle et d’assurer que les médecins intègrent à leurs dossiers médicaux une évaluation et une description de tout symptôme d’acte de torture, de toute peine ou de tout traitement cruel, inhumain ou dégradant, y compris en évaluant la cohérence entre les allégations de torture et les constatations médicales ;
  4. de s’efforcer d’assurer que les médecins pèsent soigneusement les éventuels conflits entre leur obligation éthique de rendre compte et de dénoncer les actes de torture, les peines ou les traitements cruels, inhumains ou dégradants et le devoir d’obtenir le consentement éclairé du patient avant de ce faire ;
  5. de s’efforcer d’assurer que les médecins évitent de mettre des personnes en danger lorsqu’ils évaluent, rendent compte ou signalent des signes de torture ou de toute peine ou tout traitement cruel, inhumain ou dégradant ;
  6. de favoriser l’accès à des soins de santé immédiats et indépendants aux victimes d’actes de torture ou de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
  7. de soutenir l’adoption de règles éthiques et de dispositions législatives :
  • visant à affirmer l’obligation éthique faite aux médecins de rendre compte et de dénoncer tout acte de torture ou peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant dont ils pourraient avoir connaissance. Le cas échéant, un tel rapport ou une telle dénonciation devrait être adressé aux autorités nationales ou internationales compétentes aux fins d’une enquête approfondie ;
  • reconnaissant que l’obligation d’un médecin de rendre compte et de dénoncer les actes de torture et toute peine ou tout traitement cruel, inhumain ou dégradant pourrait aller à l’encontre de ses obligations de respecter la vie privée et l’autonomie du patient.
  • Il incombe aux médecins d’exercer leur discrétion en la matière, en gardant à l’esprit le paragraphe 69 du Protocole d’Istanbul (2);
  • mettant en garde les médecins contre le risque de mettre en danger des personnes privées de liberté, subissant des contraintes ou des menaces ou dont la santé psychologique est compromise en rendant compte des traitements qu’elles ont subis d’une manière qui permette de les identifier ;
  • de travailler à assurer la protection des médecins qui risqueraient des représailles ou des sanctions de tout type pour avoir respecté les présentes directives ;
  • de communiquer aux médecins toutes les informations utiles sur les procédures et les conditions de compte rendu d’actes de torture, de toute peine ou tout traitement cruel, inhumain ou dégradant, notamment aux autorités nationales, aux organisations non gouvernementales et à la Cour pénale internationale.
  1. L’AMM recommande que les codes déontologiques de ses membres constituants décrivent les obligations des médecins relatives au compte rendu et à la dénonciation d’actes de torture, de toute peine ou de tout traitement cruel, inhumain ou dégradant tels qu’elles le sont dans le présent document.

 

(1) Codes et instruments juridiques de codification:

  1. le préambule de la Charte des Nations unies du 26 juin 1945, qui proclame solennellement la foi des peuples des Nations unies dans les droits fondamentaux de l’homme et dans la dignité et la valeur de la personne humaine ;
  2. le préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, qui proclame que la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité ;
  3. l’article 5 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui proclame que nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
  4. l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (dites règles Nelson Mandela), adopté par le premier Congrès des Nations unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, tenu à Genève en 1955 et approuvé par le Conseil économique et social dans ses résolutions 663 C (XXIV) du 31 juillet 1957 et 2076 (LXII) du 13 mai 1977, révisé et adopté par l’Assemblée générale le 17 décembre 2015 ;
  5. la Convention américaine relative aux droits de l’homme, adoptée par l’Organisation des États américains le 22 novembre 1969 et entrée en application le 18 juillet 1978 et la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture, entrée en vigueur le 28 février 1987 ;
  6. La Déclaration de Tokyo, adoptée par la 29e Assemblée générale de l’AMM en octobre 1975, révisée lors de la 170e session du Conseil de l’AMM en mai 2005 à Divonne-les-Bains, France, lors de la 173e session du Conseil de l’AMM en mai 2006 à Divonne-les-Bains et lors de la 67e Assemblée générale de l’AMM qui s’est tenue en octobre 2017 à Taipei, Taiwan ;
  7. la Déclaration d’Hawaï, adoptée par l’Association mondiale de psychiatrie en 1977 ;
  8. les Principes d’éthique médicale applicables au rôle du personnel de santé, en particulier des médecins, dans la protection des prisonniers et des détenus contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptés par l’Assemblée générale des Nations unies le 18 décembre 1982 et notamment le principe 2, qui est rédigé comme suit : « Il y a violation flagrante de l’éthique médicale et délit au regard des instruments internationaux applicables si des membres du personnel de santé, en particulier des médecins, se livrent, activement ou passivement, à des actes par lesquels ils se rendent coauteurs, complices ou instigateurs de tortures et autres traitements, cruels, inhumains ou dégradants… »
  9. la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1984 et entrée en vigueur le 26 juin 1987 ;
  10. la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, adoptée par le Conseil de l’Europe le 26 juin 1987 et entrée en vigueur le 1er février 1989 ;
  11. la Déclaration de Hambourg de l’AMM, adoptée par l’Association médicale mondiale en novembre 1997 au cours de la 49e Assemblée générale et réaffirmée avec des modifications mineures lors de la session du Conseil de l’AMM qui s’est tenue à Chicago, aux États-Unis en octobre 2017, qui appelle les médecins à refuser de participer ou de cautionner tout recours à la torture ou à tout autre peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant et les organisations médicales nationales et internationales à soutenir les médecins dans de telles prises de position ;
  12. le Protocole d’Istanbul (manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants), adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 4 décembre 2000 ;
  13. la Convention relative aux droits de l’enfant, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989 et entrée en vigueur le 2 septembre 1990 ;
  14. la Déclaration de Malte de l’Association médicale mondiale sur les grévistes de la faim, adoptée par la 43e Assemblée médicale mondiale à Malte en novembre 1991 et révisée par la 57e Assemblée générale de l’AMM à Pilanesberg, en Afrique du Sud en octobre 2006 puis par l’Assemblée générale de l’AMM de Chicago aux États-Unis en octobre 2017.

(2) Protocole d’Istanbul, paragraphe 69 : « Il arrive aussi que deux obligations morales s’opposent. Les instruments internationaux et les codes d’éthiques imposent de rendre compte à une instance compétente de tout acte de torture ou autre mauvais traitement et, dans certains pays, la législation nationale l’exige. Mais, parfois, les intéressés refusent qu’on les examine à ces fins ou qu’on divulgue les informations recueillies lors de l’examen, en général par crainte de représailles à leur encontre ou contre leur famille. Les professionnels de la santé sont alors écartelés entre deux responsabilités : vis-à-vis de leur patient et vis-à-vis de la société dans son ensemble, dans l’intérêt de laquelle il importe que justice soit rendue et que les auteurs d’abus soient châtiés. Face à de tels dilemmes, c’est l’obligation de ne pas nuire au patient qui doit prévaloir. Les professionnels de santé doivent donc chercher des solutions permettant de servir la justice sans avoir à violer le secret professionnel, en sollicitant si besoin est l’avis d’organismes dignes de confiance (selon les cas, ils pourront se tourner vers leur association médicale nationale ou vers des organisations non gouvernementales). Parfois aussi, on parvient à convaincre le patient de consentir à la divulgation d’informations le concernant, sous certaines réserves ».

 

 

 

Adoptée par la 49ème Assemblée générale Hambourg (Allemagne), Novembre 1997,
Réaffirmée par la 176ème session du Conseil de l’AMM, Berlin, Allemagne, Mai 2007
Et
 réaffirmée avec une révision mineure par la 207ème session du Conseil de l’AMM, Chicago, Etats-Unis, Octobre 2017

PRÉAMBULE

1.     Plusieurs déclarations et directives éthiques internationales et directives approuvées par la profession médicale interdisent aux médecins de tolérer, cautionner ou participer au recours à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, pour quelque motif que ce soit.

2.     Les principales déclarations sont le Code international d’éthique médicale, la Déclaration de Genève, la Déclaration de Tokyo (1975), la résolution sur la responsabilité des médecins dans la documentation et la dénonciation des actes de torture ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants (2003) et la résolution de l’AMM sur la participation des médecins à la peine capitale (1981), ainsi que la Déclaration de Madrid du Comité permanent des médecins de la CEE, la résolution des pays nordiques sur la participation des médecins à la peine capitale des pays nordiques et la Déclaration d’Hawaii de l’Association mondiale de psychiatrie.

3.     Toutefois, aucune de ces déclarations ou prises de position ne traite clairement la question de la protection qui doit être assurée aux médecins qui se trouvent incités, sommés ou enjoints de participer au recours à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. De plus, elles n’expriment pas un soutien explicite aux médecins qui ont connaissance ou sont confrontés à de tels actes et ne prescrivent pas l’obligation de les protéger.

RÉSOLUTION

4.     L’Association médicale mondiale (AMM) réitère et réaffirme que la profession médicale organisée a l’obligation :

4.1  D’inciter les médecins à respecter leur serment de servir l’humanité et à résister aux pressions qui seraient contraires aux principes éthiques régissant leurs activités ;

4.2  D’aider les médecins qui se trouvent en difficulté du fait de leur résistance à ces pressions ou de leurs tentatives de s’élever ou d’intervenir contre ces pratiques inhumaines ;

4.3  D’apporter leur soutien et d’inciter d’autres organisations internationales et les membres constituants de l’Association médicale mondiale (AMM) à aider les médecins en difficulté du fait qu’ils s’efforcent d’agir conformément aux principes éthiques suprêmes de la profession.

4.4  D’encourager les médecins à signaler et à étayer par des preuves tout recours à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dont ils auraient connaissance.

5.     De plus, considérant que de nombreux pays pratiquent systématiquement ces actes et qu’il est prouvé que des médecins sont contraints d’agir en violation des principes éthiques de la profession, l’AMM juge nécessaire de :

5.1  S’opposer au niveau international à la participation des médecins à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

5.2  Soutenir et protéger les médecins qui résistent à toute participation à ces actes inhumains, qui les documentent et les dénoncent ou qui œuvrent pour traiter et réhabiliter les victimes, leur garantir le droit au respect des principes éthiques supérieurs, notamment le secret professionnel et d’appeler ses membres constituants à leur apporter ce soutien et cette protection ;

5.3  Publier tout renseignement relatif à la torture et soutenir les médecins qui apportent des preuves de tels traitements, de faire connaître toute tentative d’impliquer des médecins dans la perpétration de tels actes ;

5.4  Encourager ses membres constituants à agir en justice pour que la responsabilité des médecins soit engagée au titre de la complicité d’acte de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

6.   Inciter ses membres constituants à veiller que l’enseignement des conséquences de la torture et son traitement, la réhabilitation des survivants, le développement de la documentation sur la torture et la protection des professionnels de santé, tel qu’énoncé dans la présente déclaration, soient dispensés dans les écoles de médecine et les hôpitaux.