Prise de Position de l’AMM sur la Fouille Corporelle de Prisonniers


Adoptée par la 45e Assemblée Médicale Mondiale, Budapest, Hongrie, Octobre 1993
et révisée par la 170e Session du Conseil, Divonne-les-Bains, France, Mai 2005
et par la 67e Assemblée Générale de l’AMM, Taipei Taiwan, Octobre 2016  

 
1. L’Association Médicale Mondiale adopte cette prise de position avec pour but de guider les Associations Médicales Nationales dans l’élaboration de directives pour leurs membres.

2. La participation d’un médecin à des fouilles des cavités corporelles dans le but d’appliquer la loi ou d’assurer la sécurité publique s’accompagne de questions complexes sur les droits du patient, le consentement éclairé, les obligations fiduciaires des médecins (double loyauté) et sur leur devoir de contribuer à la sécurité publique. Une demande de fouille des cavités corporelles place le médecin dans une position intenable du fait de la violation potentielle des normes éthiques de sa profession. La participation du médecin devrait être uniquement exceptionnelle.

3. Il y a plusieurs types de fouilles corporelles des prisonniers qui se pratiquent au sein du système pénitentiaire. Parmi elles figurent les fouilles liées à la contrebande et celles liées à des produits directement dangereux pour le prisonnier et ceux autour de lui. Les fouilles sont diverses – depuis les moins invasives  – fouilles par « palpation » –  jusqu’aux plus invasives  (y compris examen de la bouche et fouilles des cavités corporelles).

4. Les systèmes pénitentiaires prévoient dans de nombreux pays la pratique de la fouille corporelle des prisonniers. Cette fouille consiste en un examen rectal et vaginal et peut être effectuée  au moment de l’incarcération et lors de chaque autorisation de rencontre directe avec des personnes extérieures à l’établissement carcéral. Elle peut aussi avoir   lieu s’il y a des raisons de croire qu’une violation de la sécurité ou de la règlementation pénitentiaire a été commise. Par exemple lorsque   le prisonnier est conduit   au tribunal pour une audience, à l’hôpital pour un traitement ou pour un travail effectué à l’extérieur ou à son retour à la prison. Dans de tels cas la fouille corporelle concerne tous les orifices corporels. Là où les prisonniers ont un contact direct avec les visiteurs – membres de la famille ou autre – le règlement pénitentiaire peut  imposer des fouilles des cavités corporelles. L’objectif principal de la fouille est  alors d’assurer la sécurité et/ou de prévenir l’introduction clandestine d’armes ou de drogues dans la prison.

5. Ces fouilles sont effectuées pour des raisons de sécurité et non à des fins médicales. Néanmoins, seules des personnes ayant une formation médicale appropriée devraient pouvoir les mener. Dans la plupart des cas, cela signifiera une personne travaillant au sein du système pénitentiaire et ayant été formée pour pratiquer de telles fouilles. Cette personne ne devrait  pas être un médecin sauf dans des circonstances inhabituelles ou spécifiques.

6. L’obligation du médecin de fournir des soins au prisonnier peut être compromise  par une obligation de participer au système sécuritaire de la prison. Un médecin devrait chercher autant que possible à ne pas être impliqué dans des fouilles corporelles. Toute directive de fouille devrait être distinguée du devoir de soins global du médecin afin de protéger la relation patient/médecin.

7. Dans des cas exceptionnels les autorités pénitentiaires peuvent demander à que la fouille soit menée par un médecin. Le médecin décidera alors si la participation médicale est nécessaire et agira en conséquence et de manière éthique.

8. Si la fouille risque, dans le cas où elle est menée par quelqu’un de moins compétent,  de provoquer des dommages, par exemple si la personne prisonnière est une femme enceinte ou une personne souffrant de graves hémorroïdes, cet acte non médical peut être accompli par un médecin afin de ne pas nuire au prisonnier. Le médecin doit l’expliquer au prisonnier.  Il devra aussi lui expliquer qu’il n’effectue pas la fouille en tant que médecin soignant mais pour la sécurité du patient  et en tant que mission imposée par les autorités pénitentiaires et que cette mission ne s’inscrit pas dans une relation médecin-patient. Le médecin devrait  informer le prisonnier que les règles habituelles du secret professionnel ne s’appliquent pas au cours de cette procédure et que les résultats de la fouille seront révélés aux autorités. Si un médecin est dûment mandaté par une autorité et accepte de procéder à une fouille corporelle sur un prisonnier pour la sécurité du patient, les autorités devraient être informées de la nécessité de mener cette procédure d’une manière humaine.

9. Si la fouille est effectuée par un médecin, il ne devrait  pas s’agir du médecin qui ensuite soignera le prisonnier.

10. Les examens forcés ne sont éthiquement pas acceptables et les médecins ne doivent pas les effectuer. Si le prisonnier acquiesce à une fouille, le médecin ou toute personne effectuant une fouille des cavités corporelles devrait veiller à ce que le prisonnier soit totalement informé de ce qui va être fait, y compris le lieu où la fouille sera menée.

11. Les fouilles devraient  se faire d’une façon humaine et si possible dans un local privé, confidentiel qui respecte le prisonnier. La personne chargée des fouilles devrait être du même sexe que le prisonnier soumis aux fouilles. Dans le cas de personnes transsexuelles, on devrait d’abord leur demander le sexe auquel elles s’identifient.

12. L’Association Médicale Mondiale demande instamment que tous les gouvernements et autorités responsables de la sécurité publique reconnaissent que les fouilles invasives    constituent une grave atteinte à la vie privée et à la dignité de la personne et présentent un risque d’atteinte  corporelle et psychologique. Par conséquent, dans la mesure où cela ne compromet pas la sécurité publique, l’Association Médicale Mondiale demande le respect des recommandations suivantes:

  • Recours à d’autres méthodes pour les contrôles de routine des prisonniers, y compris les scans à ultrasons et autres,  et recours à la fouille corporelle   qu’en dernier recours.
  • Bannir l’accroupissement au dessus de miroirs pour un examen de l’anus avec l’obligation pour le prisonnier de pousser. Il s’agit là d’une procédure dégradante et donc on peut remettre en question la fiabilité ;
  • Si une fouille de cavité corporelle s’impose, les autorités publiques responsables doivent veiller à ce que le personnel l’effectue de manière humaine, que ce personnel soit du même sexe que le prisonnier et qu’il possède les connaissances et les compétences médicales suffisantes pour pouvoir l’effectuer en toute sécurité;
  • Ces mêmes autorités doivent garantir le respect de l’intimité et de la dignité de l’individu
  • La participation d’un médecin à des fouilles des cavités corporelles devrait avoir un caractère exceptionnel. Dans de tels cas, le devoir de fouille devrait être distingué de la délivrance de soins par le médecin.

13. Enfin, l’Association Médicale Mondiale demande instamment aux gouvernements et aux autorités publiques responsables que les fouilles corporelles soient effectuées par un médecin qualifié, chaque fois que l’exige l’état physique de l’individu. La demande spécifique, émise par le prisonnier, d’avoir affaire à un médecin sera, dans toute la mesure du possible, respectée.

14. Dans des cas spécifiques, il est possible que l’autorité pénitentiaire  demande elle-même   à ce que la fouille soit pratiquée par un médecin pour le bien-être du prisonnier.  Dans un tel cas, le médecin décidera si une participation médicale est effectivement nécessaire et agira en conséquence et de manière éthique.

Prise de position
Detention, Detention, Droits de l'homme, Fouille corporelle, Fouille de tous les orifices du corps, Institutions correctionnelles, Prison, Prison, Prisonniers