Prise de Position de l’AMM sur la Violence et la Santé


Adoptée par la 54ème Assemblée Générale de l’AMM, Helsinki, septembre 2003
réaffirmée par la 59ème Assemblée Générale de l’AMM, Seoul, Corée, octobre 2008 

et révisée par la 70ème Assemblée Générale, Tbilissi, Géorgie, octobre 2019

 

PRÉAMBULE

La violence est définie par l’OMS comme : « l’utilisation intentionnelle de la force physique, de menaces à l’encontre des autres ou de soi-même, contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque fortement d’entraîner un traumatisme, des dommages psychologiques, des problèmes de développement ou un décès ».

De fait, la violence est multidimensionnelle et résulte de nombreux facteurs. Elle peut être physique, sexuelle, psychologique ou exercée par le biais d’actes de privation ou de négligence.

L’Association médicale mondiale (AMM) a élaboré des politiques qui condamnent différentes formes de violence. On trouve parmi ces politiques la résolution sur la violence à l’encontre des femmes et des jeunes filles, la prise de position sur la violence dans la famille, la prise de position sur les mauvais traitements et la négligence envers les enfants, la déclaration de Hong Kong sur les mauvais traitements envers les personnes âgées, la prise de position sur le suicide des adolescents, la prise de position sur la violence dans le secteur de la santé de la part de patients et de personnes proches, la déclaration sur la protection du personnel de santé dans les situations d’urgence et la récente prise de position sur les conflits armés.

La violence est une manifestation de la situation sanitaire, socio-économique, politique, légale et de sécurité d’un pays. Elle se manifeste dans toutes les classes sociales et elle est étroitement associée à la défaillance des pouvoirs publics et du gouvernement et à des déterminants sociaux tels que le chômage, la pauvreté, les inégalités de santé et entre les sexes et à l’inégalité des chances en matière d’accès à l’éducation.

L’ampleur et le poids de la violence touchent les régions et les territoires nationaux de manière totalement hétérogène, des disparités que l’on retrouve en matière de disponibilité des données. Il est cependant une certitude : les conséquences de la violence peuvent être mortifères ou non. Parmi ces conséquences, on peut citer l’anéantissement de la vie personnelle, familiale et communautaire et les troubles du développement social, économique et politique des nations.

La violence pèse également sur l’économie en raison d’un accroissement des dépenses sanitaires et administratives dû à une activité accrue de la justice pénale, des services de répression et des systèmes de protection sociale. La violence mine en outre la productivité du pays par la perte de capital humain et de productivité de la main d’œuvre.

 

IMPACTS SUR LA SANTÉ

Les effets de la violence sur la santé peuvent être de portée variable et se manifester à court ou à long terme. La violence peut avoir des conséquences sur la santé, parmi lesquelles la dépression, les troubles de stress post-traumatique et d’autres troubles de la santé mentale, les grossesses non désirées, les fausses-couches et les infections sexuellement transmissibles.

Les facteurs de risque comportementaux tels que la consommation de tabac, d’alcool ou de drogue peuvent donner lieu à des comportements violents et constituer des facteurs de risque de cancer, de maladies cardiovasculaires et vasculaires cérébrales.

Les victimes directes de violence sont plus souvent sujettes aux expériences traumatisantes comme les mauvais traitements physiques, psychologiques et sexuels et peuvent être réticentes ou incapables de faire part de leur expérience ou de la signaler aux autorités en raison d’un sentiment de honte, de tabous culturels, de peur de la stigmatisation ou de représailles ou encore de la lenteur du système judiciaire.

Dans les institutions comme les établissements de santé, la violence est souvent interpersonnelle et peut être perpétrée par des soignants contre des patients, par des patients et des proches de ceux-ci contre des membres du personnel de santé ou entre professionnels de santé. Elle peut prendre la forme d’une agression, d’intimidation ou de harcèlement.

Les professionnels de santé et les établissements de santé sont de plus en plus souvent la cible d’attaques violentes. Une telle violence et des attaques visant du personnel de santé, des personnes malades ou blessées ou des établissements de santé constituent une atteinte directe à l’éthique médicale et aux droits international humanitaire et des droits humains.

Bien qu’un nombre croissant de pays reconnaissent la nécessité d’adopter des programmes de prévention de la violence sur leur territoire, la prévention et la gestion de ce fléau demeurent des gageures : en effet les systèmes de compte-rendu de données sont inadéquats ou inexistants, les programmes de prévention de la violence et de soutien aux victimes sont insuffisamment financés et la législation relative à la lutte contre la violence est peu appliquée, y compris les mesures visant à restreindre l’accès à l’alcool.

Reconnaissant que la violence demeure un défi considérable en matière de santé publique, qu’elle est par nature multidimensionnelle et évitable et affirmant le rôle d’exemplarité des médecins et leur place prépondérante dans la prise en charge et l’accompagnement des victimes de violence, l’Association médicale mondiale (AMM) s’engage à combattre ce fléau mondial.

 

RECOMMANDATIONS

L’AMM encourage ses membres constituants à :

  1. informer, éclairer et conseiller les élus et les fonctionnaires à tous les niveaux d’autorité en leur apportant les connaissances et les données scientifiques adéquates relatives aux retombées d’investissements accrus dans la prévention de la violence ;
  2. défendre et soutenir la bonne gouvernance fondée sur l’état de droit, la transparence et la responsabilité ;
  3. mener et soutenir des campagnes médiatiques efficaces en vue de sensibiliser le grand public au poids et aux conséquences de la violence et à la nécessité de la prévenir ;
  4. sensibiliser le grand public aux règlementations, normes et codes éthiques internationaux qui traitent de la protection du personnel et des établissements de santé à la fois en temps de paix et pendant les conflits ;
  5. intégrer et soutenir l’intégration aux cursus universitaires, y compris à la formation médicale initiale, à l’internat et à la formation médicale continue, des cours sur la violence et sa prévention ;
  6. envisager d’organiser des programmes de renforcement des capacités et des formations continues à l’intention des médecins dans les domaines de la prévention de la violence, des soins aux victimes ainsi que de la préparation et de la réponse aux situations d’urgence de même que la reconnaissance précoce des signes de violence interpersonnelle et sexuelle.

L’AMM invite instamment les gouvernements à :

  1. travailler en vue de parvenir à une tolérance zéro de la violence, par le biais de programmes de prévention, la création d’établissements de prévention de la violence et de soutien aux victimes et de refuges pour les victimes de violence domestique, une hausse des investissements publics et privés en faveur de la sécurité de la population et du renforcement des systèmes éducatifs et de santé ;
  2. encourager la coopération en matière de prévention de la violence, notamment par la prise en compte de la prévention de la violence et du soutien aux victimes au sein des établissements de santé ;
  3. assurer la justice sociale et l’égalité par l’élimination des inégalités et des iniquités qui créent les conditions de la violence ;
  4. s’attacher à neutraliser les déterminants sociaux de la santé par la création et l’amélioration de l’infrastructure socio-économique, éducative et sanitaire et des chances dans ces domaines et par l’élimination des attitudes et pratiques culturelles préjudiciables et oppressives et toutes les formes d’inégalités ou de discrimination fondées sur le sexe, biologique ou social, les principes, l’origine ethnique, la nationalité, l’affiliation politique, la race, l’orientation sexuelle, le statut social, l’état de santé ou le handicap ;
  5. assurer la promulgation et la mise en œuvre d’une législation relative à la prévention de la violence, à la protection et au soutien aux victimes de violence et à la sanction des auteurs de violence ;
  6. renforcer les institutions compétentes en matière de sécurité ;
  7. élaborer des politiques et mettre en œuvre la législation visant à réguler l’accès à l’alcool ;
  8. élaborer et mettre en œuvre des cadres légaux efficaces pour la protection des personnes et des organismes qui dispensent des soins de santé. De tels cadres légaux devraient garantir la protection des médecins et des autres professionnels de santé ainsi que l’accès libre et sûr du personnel de santé et des patients aux établissements de santé ;
  9. soutenir des recherches approfondies sur la nature et le caractère des différentes formes de violence, y compris l’efficacité des stratégies qui lui sont opposées afin de les aider à préparer et à mettre en œuvre des politiques, des lois et des stratégies de prévention de la violence, de protection et de soutien aux victimes et de sanction des auteurs de violence ;
  10. impliquer et favoriser l’implication de multiples parties prenantes, et encourager la collaboration entre les entités et les organisations concernées aux niveaux mondial, national et local aux fins de l’élaboration, de la mise en œuvre et de la promotion de la prévention de la violence et des stratégies de management, y compris par l’association de dirigeants politiques, religieux et traditionnels ;
  11. nouer des partenariats multisectoriels solides aux niveaux local et national afin de promouvoir l’inscription de la prévention de la violence parmi les priorités de tous les ministères, y compris ceux de la Santé, de l’Éducation, du Travail et de la Défense ;
  12. lancer une initiative pour des soins de santé sûrs garantissant la sécurité des médecins et des autres personnels du domaine de la santé, des établissements de santé et la prestation ininterrompue des services de santé, en temps de paix comme en période de conflit.
  13. Cette initiative devrait comporter les éléments suivants :
    • un audit régulier des risques de violence ;
    • des mécanismes de surveillance et de compte-rendu efficaces de la violence ;
    • une enquête transparente et rapide pour tous les cas de violence signalés ;
    • un système de protection des patients et du personnel de santé qui signalent les cas de violence ;
    • un soutien juridique aux médecins et aux autres personnels de santé subissant des actes de violence sur leur lieu de travail ;
    • la création, si nécessaire, de postes de sécurité dans les établissements de santé ;
    • la prise en charge financière du personnel médical et de santé victime de violence ;
    • la mise en place de congés de rétablissement payés pour le personnel médical et de santé victime de violence.

 

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