Prise de Position de l’AMM sur la Protection des Intérêts du Patient


Adoptée par la 45e Assemblée Médicale Mondiale Budapest (Hongrie), Octobre 1993,
révisée par 57e Assemblée générale de l’AMM, Pilanesberg, Afrique du Sud, Octobre 2006
et réaffirmée par la 203e Session du Conseil de l’AMM, Buenos Aires, Argentine, Avril 2016 

 

Preambule

Les médecins ont le devoir éthique et la responsabilité professionnelle d’agir, en toutes circonstances, dans le meilleur intérêt de leurs patients, sans considération d’âge, de sexe, d’orientation sexuelle, de capacités ou d’handicaps physiques, de race, de religion, de culture, de croyances, d’appartenance politique, de moyens financiers ou de nationalité.

Cette mission inclut la protection des intérêts des patients, à la fois en tant que groupe (ex. défendre les questions de santé publique) et en tant qu’individus.

Parfois, cette mission peut interférer avec les autres obligations juridiques, éthiques et/ou professionnelles du médecin ce qui crée alors des dilemmes sociaux, professionnels et éthiques au médecin.

Dans certains contextes, le médecin peut être confronté à d’éventuels conflits vis-à-vis de son obligation de protéger ses patients:

  1. Conflit entre l’obligation de défense des intérêts et le secret professionnel
    Un médecin est tenu sur le plan éthique et souvent sur le plan légal d’assurer la confidentialité des informations de santé du patient ainsi que d’autres informations que le patient lui transmet dans le cadre de son exercice professionnel. Un conflit est alors possible dans la mesure où le médecin a une obligation de protection du patient, protection que le patient peut être incapable d’assurer lui-même.
  2. Conflit entre les meilleurs intérêts du patient et les dictats des employeurs ou des assureurs
    Souvent il existe un conflit potentiel entre le devoir du médecin d’agir dans le meilleur intérêt de ses patients et les dictats de l’employeur du médecin ou la compagnie d’assurances dont les décisions peuvent être dictées par des critères économiques ou administratifs, sans corrélation avec la santé du patient. Par exemple, un assureur peut demander de prescrire uniquement un médicament spécifique alors que le médecin pense qu’un autre médicament serait mieux adapté à un patient donné. Autre exemple, un assureur qui refuse de prendre en charge un traitement que le médecin juge nécessaire.
  3. Conflit entre les intérêts du patient et ceux de la société
    L’obligation première du médecin est certes celle envers ses patients mais dans certaines circonstances, le médecin peut avoir une responsabilité envers la famille du patient et/ou envers la société. Ce type de conflit peut se produire entre le patient et sa famille, dans le cas de mineurs ou de patients jugés incapables, ou dans un contexte de ressources limitées.
  4. Conflit entre le souhait du patient et le jugement professionnel du médecin ou les valeurs morales
    Les patients sont censés être les meilleurs défenseurs de leurs intérêts et, en général, un médecin doit protéger et accéder au souhait du patient. Toutefois, dans certaines circonstances, ce souhait peut être contraire au jugement professionnel du médecin ou à ses valeurs personnelles.

Recommandations

  1. L’obligation de confidentialité doit prévaloir sauf dans les cas où le médecin est légalement ou éthiquement contraint de révéler les informations afin de protéger la sécurité du patient, des tiers ou de la société. Dans de tels cas, le médecin doit s’efforcer de signifier au patient qu’il est dans l’obligation de rompre la confidentialité et doit lui en expliquer les raisons à moins que cela ne soit clairement déconseillé (par ex. dans le cas où le patient proférerait des menaces). Dans certaines situations telles que le dépistage génétique ou celui du VIH, les médecins doivent discuter avec leurs patients avant d’effectuer les tests. Ce sont des cas où il pourra éventuellement être nécessaire de rompre le secret professionnel.
    Le non respect de la confidentialité dans le but de protéger le patient est licite uniquement lorsque le patient est mineur ou incapable (ex. abus sur les enfants ou sur les personnes âgées) et uniquement lorsqu’aucune autre solution n’existe. Dans tous les autres cas, la confidentialité ne peut être rompue qu’avec le consentement du patient ou de son représentant légal ou pour les besoins du traitement quand, par exemple, des médecins doivent se consulter.
    Si la confidentialité doit être rompue, il faut s’en tenir au strict nécessaire et mettre dans le secret uniquement les parties ou les autorités concernées.
  2. Dans tous les cas où les obligations du médecin envers son patient sont en conflit avec les dictats administratifs de l’employeur ou de l’assureur, le médecin doit s’efforcer de faire changer d’avis l’employeur ou l’assureur. En dernier ressort, c’est son obligation vis-à-vis du patient qui primera.
    Des mécanismes doivent exister pour protéger les médecins qui souhaitent contester les décisions des employeurs/assureurs sans pour autant mettre en péril leur activité ainsi que pour résoudre les désaccords entre les professionnels de la médecine et les gestionnaires en matière d’allocation de ressources.
    De tels mécanismes doivent être stipulés dans les contrats d’embauche des praticiens. Ces contrats doivent attester que les obligations éthiques des praticiens surpassent les obligations purement contractuelles inhérentes à l’emploi.
  3. Un médecin doit être conscient et tenir compte des facteurs économiques ou autres avant de prendre une décision thérapeutique. Néanmoins, un médecin a une obligation de plaider pour que ses patients aient accès au meilleur traitement disponible.
    Dans tous les cas de conflit entre les obligations du médecin vis-à-vis de son patient et celles vis-à-vis de la famille du patient ou de la société, les obligations envers le patient doivent généralement prendre le pas sur les autres.
  4. Les patients capables ont le droit de définir, sur la base de leurs besoins, de leurs valeurs et de leurs préférences, ce qui pour eux constitue le meilleur type de traitement, dans une situation donnée.
    On ne doit cependant pas demander aux médecins de prendre part à toute procédure contraire à leurs valeurs personnelles ou à leur jugement professionnel à moins que la situation présente un caractère d’urgence Lorsqu’il n’y a pas d’urgence, le médecin doit expliquer au patient pourquoi il n’est pas en mesure de répondre à son souhait et doit l’adresser à un autre médecin, si nécessaire.
Prise de position