Prise de Position de l’AMM sur la Mutilation Génitale Féminine


Adoptée par la 45e Assemblée Médicale Mondiale, Budapest, Hongrie, Octobre 1993
et révisée par la 170e Session du Conseil, Divonne-les-Bains, France, Mai 2005 
et par la 67e Assemblée Générale de l’AMM, Taipei, Taiwan, Octobre 2016
 

PREAMBULE

L’Association Médicale Mondiale rallie d’autres agences internationales pour condamner la pratique de la mutilation génitale des femmes et des jeunes filles et s’oppose à la participation des médecins dans ces pratiques.

L’arrêt des mutilations génitales féminines (MGF) requiert d’agir sur la mise en œuvre stricte des lois interdisant cette pratique, des soins médicaux et psychologiques pour les femmes victimes et la prévention des MGF par le biais de l’éducation, l’évaluation des risques, la détection précoce et l’engagement des responsables des communautés.

La MGF est une pratique courante dans plus de 30 pays. Le terme MGF s’utilise pour parler de différentes formes de chirurgie, mutilant ou incisant  les parties génitales féminines externes. Le terme circoncision féminine ne s’utilise plus car il suggère une équivalence avec la circoncision masculine ce qui est aussi bien inexact que contre productif.  La plupart des jeunes filles subissent une MGF/C entre 7 et 10 ans. Ces incisions ne reposent  sur aucun fondement médical et sont souvent  pratiquées par une personne non qualifiée  dans un environnement privé d’hygiène.

La MGF dans toutes ses formes est une violation des droits humains des jeunes  filles et des femmes. Il s’agit en effet d’une procédure dommageable effectuée sur une enfant qui ne peut pas donner un consentement valable. Conséquence des migrations, un nombre croissant de jeunes filles vivant en dehors de pays où la pratique est commune sont touchées.

Respecter les normes sociales des migrants pose de plus en plus de problèmes aux médecins et à la communauté au sens plus large.

En raison de son impact sur la santé physique et mentale des femmes et des enfants et parce qu’il s’agit d’une violation des droits humains, la MGF est un motif de préoccupation pour les médecins. Partout dans le monde, les médecins sont confrontés aux effets de cette pratique traditionnelle. On risque de leur demander d’exécuter cette opération mutilante ou de restaurer les effets de la chirurgie mutilante sur les patientes après que l’accouchement ait  réouvert l’entrée du vagin.

Il existe plusieurs formes de MGF classées par l’OMS[1] . Ce peut être une procédure primaire, effectuée sur les jeunes filles, d’ordinaire entre 5 et 12 ans, ou une procédure secondaire, telle celle effectuée après un accouchement par exemple. L’importance de la   procédure primaire peut varier: de l’excision du prépuce pré clitoridien jusqu’à une mutilation maximale dite infibulation pharaonique qui consiste en partie en l’ablation du clitoris et des petites lèvres et en la suture des grandes lèvres de sorte que seule une ouverture minimale subsiste pour permettre l’écoulement de l’urine et du sang des règles. La plupart des procédures se situent quelque part entre ces deux extrêmes.

Le terme circoncision féminine tout en n’étant plus utilisé, demeure parfois utile, familier et facilement accessible dans le contexte des consultations médecin-patiente.

La MGF n’apporte aucun bienfait en termes de santé. Elle est dommageable pour les jeunes filles et les femmes de multiples façons, quelle que soit la procédure appliquée. Les recherches montrent de graves dommages permanents pour la santé, dont : les hémorragies, les infections, la rétention urinaire,  le saignement d’organes adjacents,  des chocs et des hyperalgies. Les complications à long terme incluent d’importantes cicatrices, des infections chroniques de la vessie et des voies urinaires, des complications d’ordre obstétrique et urologique ainsi que des problèmes sociaux et psychologiques. La MGF a des conséquences graves sur la sexualité et son vécu dont la perte de capacité d’avoir un orgasme.  Il y a aussi de nombreuses complications pendant l’accouchement, y compris des problèmes d’expulsion, la formation de fistules  et   des déchirements traumatiques des tissus vulvaires.

Maintes raisons sont  avancées pour   poursuivre la  pratique de la MGF:  les coutumes,  la tradition communautaire (préserver la virginité des jeunes filles et limiter la sexualité des femmes)  et  en tant que  démarche initiatique à la vie de femme. Ces raisons ne justifient pas les dégâts considérables au niveau de la santé physique et mentale.

Aucune des grandes religions ne prône cette pratique qui est sinon souvent et à tort associée à des croyances religieuses. La MGF est une forme  de violence habituellement perpétuée sur les jeunes femmes et jeunes filles et constituant un manque de respect pour leur individualité, leur liberté et leur autonomie.

Les médecins peuvent se retrouver face à des parents à la recherche d’un médecin pour réaliser  une MGF ou avoir connaissance de parents cherchant à emmener les filles dans des endroits où la  procédure est communément pratiquée. Ils doivent être préparés à intervenir pour protéger les jeunes filles.

Les associations médicales devraient préparer des conseils sur la manière de gérer ces demandes en recourant éventuellement aux lois locales de protection de l’enfance contre toute maltraitance et éventuellement à la police et à  d’autres instances.

Les patientes ayant subi une MGF et qui accouchent peuvent éventuellement demander aux médecins de restaurer les résultats de la MGF. Ceux-ci devraient pouvoir gérer de telles demandes et s’appuyer sur des ressources éducatives adéquates pour être en mesure de discuter avec les patientes de l’option médicalement approuvée d’une réparation des dommages liés à une MGF et à un accouchement. Les médecins ont aussi la responsabilité de discuter avec les époux des patientes, avec le consentement de celles-ci, qui pourraient sinon demander une « restauration » de la MGF si le médecin ne leur a pas fourni toutes les explications sur les dommages provoqués la MGF.

Dans certains pays, les médecins et autres professionnels de santé ont de plus en plus tendance à effectuer des MGF car ils souhaitent limiter les risques que cela implique. Certains praticiens pensent peut-être   que la médicalisation de la procédure est une avancée vers son éradication.  Pratiquer la MGF est une violation de l’éthique médicale et des droits humains et l’implication des médecins peut lui accorder une certaine crédibilité. Dans la majorité des pays, le fait de pratiquer cette intervention est illégal.

Plusieurs gouvernements ont promulgué des lois interdisant la MGF, considérée comme un acte criminel.

RECOMMANDATIONS

  1. Tout en prenant en compte les besoins psychologiques et « l’identité culturelle » des populations impliquées, les médecins se devraient expliquer les dangers et les conséquences de la MGF et dissuader de pratiquer ou de promouvoir la MGF. Dans leur exercice les  médecins devraient inclure la promotion de la santé des femmes et les conseils visant à rejeter la MGF.
  2. Les médecins devraient contribuer à éduquer les professionnels de santé et travailler avec la communauté locale, les  responsables  dans le domaine culturel et social pour les former sur les conséquences néfastes de la MGF. Ils devraient soutenir les personnes qui veulent mettre un terme à la MGF et la création de programmes communautaires pour proscrire la pratique, apportant des informations médicales sur  ses effets dévastateurs, le cas échéant.
  3. Il y a des campagnes actives contre la MGF menées par des femmes leaders et des chefs d’état en Afrique et ailleurs. Ces campagnes ont donné lieu à la publication de prises de position fortes contre cette pratique.
  4. Les médecins devraient travailler avec des groupes tels que ceux-là et d’autres qui prennent en charge des femmes enceintes, comme par exemple les sages femmes, les infirmières et les accoucheurs  afin de s’assurer que tous les praticiens ont les informations nécessaires et pertinentes sur la MGF.
  5. Les médecins devraient coopérer avec toutes les stratégies légales de prévention lorsqu’une enfant risque de subir une MGF.
  6. Les Associations Médicales Nationales doivent sensibiliser le public et les professionnels sur les effets préjudiciables de la MGF.
  7. Les Associations Médicales Nationales devraient s’assurer que l’éducation et la sensibilisation sur la MGF font partie de leurs activités de défense/sensibilisation dans le cadre de la prévention de la violence envers les femmes et les jeunes filles.
  8. Les Associations Médicales Nationales devraient travailler avec les leaders d’opinion, les encourageant à devenir des avocats actifs contre la MGF.
  9. Les Associations Médicales Nationales doivent encourager les actions gouvernementales visant à prévenir la pratique de la MGF. Cela devrait inclure des programmes de défense/sensibilisation soutenus et l’instauration d’une législation interdisant la MGF.
  10. Les Associations Médicales Nationales doivent interdire l’implication des médecins dans la pratique des MGF, y compris la ré-infibulation après accouchement. Les médecins devraient être encouragés à pratiquer une chirurgie reconstructive sur les femmes ayant subi une MGF. Les médecins devraient chercher à s’assurer de la disponibilité de soins médicaux et psychologiques adéquats (et sans jugement) pour les femmes ayant subi une MGF.
  11. Les médecins devraient savoir que les risques liés à la MGF peuvent justifier d’enfreindre la confidentialité du patient et permettre de divulguer des informations aux services sociaux et autres afin de protéger une enfant contre de graves dommages.

[1] La MGF peut être classée en quatre catégories: clitoridectomie, excision, infibulation, autres procédures dommageables dont la ponction, le percement, l’incision, la scarification et la cautérisation de la zone.

Prise de position
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