Prise de position de l’AMM sur la démence


Adoptée par la 76ème Assemblée générale de l’AMM, Porto, Portugal, octobre 2025

 

PRÉAMBULE

La démence est un syndrome causé par de nombreuses maladies différentes, qui constituent collectivement une part croissante des affections non transmissibles dans le monde. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), « la démence est un terme générique désignant plusieurs maladies qui affectent la mémoire, d’autres capacités cognitives et le comportement et qui compromettent de manière significative la capacité d’une personne à mener à bien ses activités de la vie quotidienne. Bien que l’âge soit le principal facteur de risque connu de démence, celle-ci n’est pas un phénomène normal du vieillissement. »

Si la démence est avant tout une affection qui touche les personnes âgées, une personne sur dix en présente les signes avant l’âge de 65 ans. Le nombre de personnes âgées augmentant régulièrement dans le monde, celui des cas de démence s’accroît. En 2023, l’OMS estimait le nombre de personnes atteintes de démence à 55 millions partout dans le monde, un chiffre qui devrait atteindre 139 millions d’ici 2050. Actuellement, 60 % des personnes atteintes de démence vivent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire, mais d’ici 2050, ce chiffre devrait atteindre 71 %.

L’incidence et l’évolution de la démence sont influencées non seulement par des facteurs biologiques, mais également par des déterminants sociaux tels que le niveau d’éducation, le statut socio-économique et l’accès aux soins de santé, qui varient considérablement d’une région et d’une population à l’autre.

Le coût annuel mondial de la démence a été estimé en 2019 à plus de 1.300 milliards de dollars américains et devrait atteindre 2.800 milliards de dollars américains d’ici 2030. Ce chiffre englobe les coûts imputables aux soins informels (soins non rémunérés prodigués par la famille et d’autres aidants informels) et les coûts directs des soins sociaux et médicaux.

Les maladies non transmissibles (infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux, cancers, diabète et affections respiratoires chroniques) sont responsables de près de 74 % des décès dans le monde, selon l’OMS. La démence ne figure pas sur la liste des principales MNT, malgré ses effets majeurs sur les individus et les familles et sa contribution croissante au coût sociétal. Toutefois, le risque de démence augmente avec les cinq principaux facteurs de risque figurant sur la liste des MNT de l’OMS : le tabagisme, l’inactivité physique, l’usage nocif de l’alcool, une mauvaise alimentation et la pollution atmosphérique.

La maladie d’Alzheimer, la maladie la plus courante à l’origine de la démence, est la septième cause de mortalité dans le monde, mais la quatrième dans les pays à revenu élevé. La maladie d’Alzheimer est la seule des dix causes de mortalité les plus répandues à ne pas disposer de mesures de prévention ou de guérison efficaces et à n’offrir que des possibilités de traitement limitées.

Les femmes sont touchées de manière disproportionnée par la démence, avec des taux de prévalence supérieurs à ceux des hommes dans toutes les tranches d’âge et une proportion plus élevée de décès. Les femmes sont également responsables d’environ 70 % des heures de soins informels dans le monde, les proportions les plus élevées étant observées dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.

La démence entraîne une dépendance croissante dans la vie quotidienne et une diminution de la qualité de vie. À mesure que la charge des soins augmente, la qualité de vie de l’aidant, généralement un membre de la famille proche, diminue également. Au final, les personnes atteintes de démence modérée ou sévère doivent rejoindre un foyer de services ou une maison de retraite, mais dans de nombreux pays, en particulier les pays à revenu faible ou intermédiaire, cette possibilité est inexistante. Les coûts des maisons de retraite pèse de plus en plus lourd sur les économies, que ce soit dans le cadre ou non d’un régime national de santé.

De plus en plus d’éléments indiquent que jusqu’à 45 % des cas de démence pourraient théoriquement être évités dans une certaine mesure. Ce constat est soutenu par la diminution réelle de la prévalence de la démence au cours des trois dernières décennies, mais en raison du nombre croissant de personnes âgées, le nombre total de cas de démence continue d’augmenter.

Si la démence n’appartient généralement à aucune spécialité médicale particulière, elle relève le plus souvent de la neurologie, de la psychiatrie (souvent de la psychiatrie du sujet âgé), de la gériatrie ou de la médecine familiale. Toutefois, les personnes atteintes de démence sont plus fréquemment admises à l’hôpital que celles qui ne le sont pas, indépendamment des comorbidités physiques, et leur pronostic est généralement moins favorable que celui des personnes non démentes.

La recherche d’options thérapeutiques pour les maladies causant la démence a pris du retard sur les autres grandes maladies non transmissibles et s’est avérée dans la plupart des cas stérile. Les nouveaux traitements biologiques de la maladie d’Alzheimer sont très coûteux et la plupart des sociétés, même les plus riches, ont des difficultés à en supporter la charge financière. Qui plus est, ces médicaments ont des effets limités dans la mesure où ils n’arrêtent pas le processus d’aggravation des troubles cognitifs, mais se contentent de le ralentir.

Le Plan d’action mondial de l’OMS pour la démence 2017-2025 indique que les pays doivent élaborer des stratégies nationales pratiques et ambitieuses. Ce plan comprend une série de sept objectifs mondiaux qui consistent notamment à considérer la démence comme une priorité de santé publique afin d’améliorer le diagnostic, de soutenir les aidants des personnes atteintes de démence et d’augmenter les fonds alloués à la recherche.

 

RECOMMANDATIONS

L’Association médicale mondiale (AMM) appelle les acteurs suivants à :

l’Organisation mondiale de la santé (OMS) 

  1. inscrire la démence sur la liste des principales maladies non transmissibles (MNT) au niveau mondial ;
  2. accentuer l’attention portée à la démence et à ses causes, en particulier dans les pays à revenu faible ou intermédiaire car ce sont eux qui devraient connaître la plus forte augmentation du nombre de cas de démence au cours des prochaines décennies ;
  3. collaborer avec les gouvernements, les organismes internationaux de lutte contre la maladie d’Alzheimer et l’Association médicale mondiale afin de sensibiliser davantage à la démence dans le monde entier.

les gouvernements nationaux

  1. considérer la démence comme une priorité de santé publique ;
  2. travailler dans l’esprit du plan d’action mondial de l’OMS pour la démence ;
  3. élaborer des stratégies nationales globales en matière de démence, y compris des objectifs clairs et des indicateurs mesurables, assorties d’un financement et d’un processus clair de suivi et d’évaluation ;
  4. soutenir les programmes de réduction des risques, notamment par le biais d’initiatives de santé publique. Ces programmes contribueront également à lutter contre d’autres MNT majeures ;
  5. sensibiliser davantage à la démence et soutenir les initiatives favorisant la prise en compte de cette maladie ;
  6. élaborer des programmes visant à soutenir les aidants, notamment en leur donnant accès à des services de répit, à une aide financière et à des services de santé mentale, en reconnaissant leur rôle essentiel dans la prise en charge de la démence ;
  7. augmenter le financement de la recherche sur la démence à l’échelle nationale et par le biais de partenariats internationaux, avec pour objectif principal la mise au point de traitements et de soins efficaces et accessibles ;

les associations médicales et la communauté scientifique

  1. promouvoir des initiatives visant à améliorer les connaissances des médecins sur la démence, afin de favoriser le dépistage précoce et le diagnostic précis des troubles cognitifs ce qui permettra de fournir des traitements et des soins appropriés ;
  2. sensibiliser davantage au fait que les personnes atteintes de démence ont des besoins particuliers lorsqu’elles cherchent à obtenir des soins de santé pour d’autres affections ;
  3. collaborer avec d’autres acteurs concernés afin de promouvoir des soins de haute qualité et une bonne qualité de vie au profit des personnes atteintes de démence.
  4. augmenter le nombre d’inscriptions aux essais cliniques de patients atteints de la maladie d’Alzheimer et de démences apparentées, ainsi que de leurs familles, afin de mieux déterminer les différences entre les sexes dans l’incidence et la progression de la maladie et de faire progresser le traitement et la guérison de la maladie d’Alzheimer et des démences apparentées ;
  5. encourager les études visant à déterminer la meilleure façon d’assurer un financement stable pour les soins de longue durée des patients atteints de la maladie d’Alzheimer et d’autres troubles de la démence.
  6. mettre à disposition des informations sur les ressources locales susceptibles de faciliter l’orientation rapide et appropriée vers des services d’aide aux aidants.

 

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