Adoptée par la 174ème session du Conseil de l’AMM, Pilanesberg, Afrique du Sud, octobre 2006
et réaffirmée par la 203ème session du Conseil de l’AMM, Buenos Aires, Argentine, avril 2016
et révisée par la 226ème session du Conseil de l’AMM, Séoul, Corée, avril 2024 et
Révisée et adoptée par la 75ème Assemblée générale de l’AMM, Helsinki, Finlande, octobre 2024

 

Considérant que la prise de position de l’AMM sur le don d’organes et de tissus souligne l’importance d’un choix libre et éclairé sur le don d’organes ;

Considérant que la prise de position dispose explicitement que les prisonniers et les autres personnes en détention ne sont pas en mesure de donner un consentement libre et que dans ces conditions leurs organes ne sauraient être utilisés à des fins de transplantation ;

Considérant qu’avant 2014, des rapports ont fait état de l’exécution de prisonniers chinois et du prélèvement de leurs organes en vue d’un don;

Considérant que l’AMM réaffirme sa position selon laquelle le don d’organes ne saurait s’effectuer qu’avec le consentement libre et éclairé du potentiel donneur ;

Considérant que l’Assemblée générale de l’AMM, réunie à Copenhague en 2017 a été informée que l’Association médicale chinoise (ChMA) a déclaré, dans une lettre du Dr Wu Mingjang, alors vice-président et secrétaire général de l’Association médicale chinoise :

  1. que l’Association médicale chinoise faisait siennes les dispositions contenues dans la prise de position de l’AMM sur le don d’organes et de tissus, selon laquelle les organes des prisonniers et des autres personnes en détention ne sauraient être utilisés à des fins de transplantation, hormis pour des membres de leur famille proche ; que l’Association médicale chinoise, grâce à son influence, continuera de promouvoir le renforcement de la gestion de la transplantation d’organes humains et de prévenir d’éventuelles violations des principes figurant dans la prise de position par le gouvernement chinois[1].

Considérant que l’Association médicale chinoise a déclaré, lors de la 223eréunion du Conseil à Nairobi en 2023, au sujet de la proposition de déclaration de l’AMM sur le prélèvement d’organes sur des prisonniers exécutés, à des fins de transplantation :

  1. « L’Association médicale chinoise (ChMA) soutient pleinement l’interdiction complète, par la Chine, de l’utilisation, à des fins de transplantation, d’organes prélevés sur des prisonniers condamnés à la peine capitale et exécutés, adoptée le 1erjanvier 2015. Cette politique a significativement contribué au développement réussi de la transplantation d’organes prélevés sur des personnes volontaires et a propulsé la Chine au deuxième rang mondial des dons d’organes, tout en bénéficiant à de nombreux patients chinois.
  2. La ChMA appuie sans réserve et adhère au système juridique et règlementaire chinois complet, ainsi qu’à la capacité technique élaborée pour faciliter l’application de la loi et par là assurer la mise en œuvre de l’interdiction de prélèvement d’organes, à des fins de transplantation, sur des détenus exécutés et le succès continu du programme de don d’organes national.
  3. La ChMA encourage tous ses membres à participer activement aux efforts de la Chine pour établir un système de don autosuffisant conforme aux principes de l’OMS et condamne la pratique consistant à employer, à des fins de transplantation, des organes prélevés sur des condamnés exécutés. La ChMA continuera, et appelle toutes les associations médicales nationales, notamment celles de pays où la législation autorise l’emploi d’organes prélevés sur des condamnés exécutés à des fins de transplantation, à sensibiliser les médecins aux valeurs éthiques afin d’empêcher de telles pratiques. »

Considérant que l’AMM réaffirme les dispositions des paragraphes 17, 18 et 19 de sa prise de position sur le don d’organes et de tissus, révisée par la 68eAssemblée générale de l’AMM, à Chicago, aux États-Unis, en octobre 2017, rédigées comme suit :

  1. 17. Les détenus et les autres personnes qui sont incarcérées dans une quelconque institution devraient avoir la possibilité de faire un don d’organe après leur décès à condition que toutes les précautions aient été prises pour assurer que ce don est conforme à leur volonté préalable et non contrainte. Lorsque le détenu ou la personne incarcérée n’est pas en mesure de donner son consentement, il convient que l’autorisation soit donnée par un membre de sa famille ou une autre personne habilitée à prendre cette décision. Une telle autorisation ne saurait prévaloir sur un refus ou un retrait préalable du consentement.
  2. 18. Le décès doit être lié à une cause naturelle et vérifiable.
  3. 19. Dans les juridictions où la peine de mort est appliquée, les prisonniers exécutés ne doivent pas être considérés comme des donneurs d’organes et/ou de tissus. Bien qu’il puisse exister des cas individuels dans lesquels des prisonniers agissent volontairement et sans pression, il est impossible de mettre en place des garde-fous permettant de protéger tous les cas de toute contrainte.

Considérant que des rapports ont fait état de soupçons de prélèvements d’organes illicites sur des prisonniers dans plusieurs pays et que l’AMM entend continuer de condamner officiellement et fermement le prélèvement illicite d’organes sur des prisonniers et autres personnes effectivement détenues dans des institutions dans tous les pays ;

En foi de quoi, l’AMM modifie le titre de sa résolution du Conseil sur le don d’organes en Chine (2006) au profit du titre suivant : « Résolution du Conseil de l’AMM sur le don d’organes par des prisonniers ».

Le groupe de travail sur le prélèvement d’organes propose (novembre 2023) de modifier la résolution du Conseil de l’AMM sur le don d’organes en Chine (2006) en adoptant la formulation suivante :

L’AMM réaffirme sa position selon laquelle le don d’organes ne saurait s’effectuer qu’avec le consentement libre et éclairé du potentiel donneur.

L’AMM appelle l’ensemble de ses membres constituants à condamner toute pratique consistant à utiliser comme donneurs d’organes des prisonniers et autres personnes effectivement détenues dans des institutions, d’une manière non conforme à la prise de position de l’AMM sur le don d’organes et de tissus et à assurer que des médecins ne soient pas impliqués dans le prélèvement ou la transplantation d’organes de prisonniers exécutés ;

L’AMM exige que tous les gouvernements nationaux fassent immédiatement cesser la pratique consistant à utiliser comme donneurs d’organes des prisonniers et autre personne effectivement détenues dans des institutions, d’une manière qui ne soit pas conforme à la prise de position de l’AMM sur le don d’organes et de tissus.

[1] WMA News, Chinese Medical Association reaches agreement with WMA against transplantation of prisoner’s organs (L’Association médicale chinoise parvient à un accord avec l’AMM sur le rejet de la transplantation d’organes prélevés sur des prisonniers). Copenhague, 2007  – note à remplacer par le message d’origine

Adoptée par la 71e Assemblée générale de l’AMM (en ligne), Cordoue, Espagne, Octobre 2020

 

PRÉAMBULE

En 2017, près de 140 000 transplantations d’organes pleins ont eu lieu dans le monde entier. Bien qu’impressionnant, ce chiffre ne représente que 10 % des besoins mondiaux en transplantation. Les disparités entre le don et la demande d’organes ont conduit à l’émergence d’infractions liées à la transplantation, y compris la traite d’êtres humains à des fins de prélèvement d’organeset de trafic d’organes humains.

De telles infractions portent atteinte aux droits humains fondamentaux et présentent de graves risques pour la santé publique et individuelle. La véritable ampleur des infractions liées à la transplantation reste inconnue mais on estime que 5 % à 10 % des transplantations au niveau mondial ont lieu dans le cadre du commerce international d’organes, impliquant souvent un tourisme de la transplantation dans des lieux où les lois réprimant la vente et l’achat d’organes humains n’existent pas ou ne sont pas appliquées. La traite de personnes aux fins du prélèvement d’organes et le trafic d’organes humains peuvent aussi avoir lieu au sein d’une juridiction donnée sans que la transplantation n’exige de se déplacer. Dans tous ces cas, ce sont les segments les plus vulnérables de la population qui sont victimes d’exploitation et de coercition.

Préoccupée par la demande croissante d’organes et par l’émergence de pratiques contraires à l’éthique dans ce domaine, l’Organisation mondiale de la santé appelle les gouvernements et les professionnels de santé à rechercher l’autosuffisance en matière de transplantation, par le biais de stratégies visant à faire décroître le poids des maladies traitées par transplantation et de stratégies visant à accroître la disponibilité des organes, en favorisant les dons provenant de défunts et en assurant la protection des donneurs vivants. Le souci de parvenir à l’autosuffisance en matière de transplantation n’empêche pas la conclusion d’accords officiels de coopération entre pays à des fins d’échange d’organes ou pour faciliter l’accès des patients à des programmes de transplantation qui n’ont pas été élaborés dans leur pays d’origine. Les accords entre pays doivent être fondés sur les principes de justice, de solidarité et de réciprocité.

Le meilleur moyen de prévenir sur le long terme les infractions liées à la transplantation est de favoriser l’autosuffisance en la matière.

Une des caractéristiques des infractions liées à la transplantation est qu’elles supposent l’implication de professionnels de santé. Cette caractéristique constitue une occasion unique d’empêcher ou de lutter contre ces infractions. Les professionnels de santé se trouvent au cœur de la recherche de donneurs vivants et de leur association à des bénéficiaires. Ils prennent également soin de patients désespérés qui sont vulnérables et qui risqueraient d’être tentés par une transplantation illicite. En outre, puisque les patients qui reçoivent une transplantation requièrent des soins spécialisés à long terme, les médecins doivent faire face aux difficultés que posent la prestation de soins à des patients ayant reçu un organe par des moyens illicites tout en dévoilant le réseau de traite.

Des organisations internationales, comme le Conseil de l’Europe, l’Union européenne et les Nations unies, de même que des plateformes professionnelles internationales, ont adopté des traités, des résolutions et des recommandations pour organiser la lutte contre les infractions liées à la transplantation.

L’AMM souligne la responsabilité des médecins dans la prévention et dans la lutte contre la traite d’êtres humains aux fins du prélèvement et du trafic d’organes humains. Elle insiste également sur la nécessité pour les médecins et les autres professionnels de santé d’aider les organisations internationales, les associations médicales et les dirigeants politiques à combattre ces activités criminelles.

Dans la lutte contre les infractions liées à la transplantation, il est de la plus haute importance que les principes de transparence des pratiques, traçabilité des organes et continuité des soins soit garantie pour toutes les procédures de transplantation, qu’elles soient réalisées sur le territoire national ou à l’étranger.

L’AMM réaffirme sa prise de position sur le don d’organes et de tissus et sa déclaration de Sydney sur la détermination de la mort et le prélèvement d’organes. Déterminée à lutter contre toutes les formes de traite des personnes aux fins du prélèvement et du trafic d’organes humains, l’AMM appelle à la mise en œuvre des recommandations suivantes :

 

RECOMMANDATIONS

Décideurs politiques et professionnels de la santé :

  1. Les gouvernements devraient élaborer, mettre en œuvre et imposer fermement des cadres législatifs prohibant et réprimant la traite de personnes aux fins de prélèvement et de trafic d’organes humains comprenant des dispositions visant à prévenir ces infractions et à protéger les victimes.
  2. Les gouvernements devraient envisager de rejoindre ou de ratifier la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée et son protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants ainsi que la Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains. Ils devraient en outre envisager de coopérer avec les organisations internationales existantes pour rendre plus efficace la lutte contre les infractions liées à la transplantation. L’AMM devrait jouer un rôle moteur et influencer les pratiques éthiques en matière de don et de transplantation.
  1. Les autorités de santé devraient élaborer et tenir à jour des registres où figurent les informations relatives à l’obtention de chaque organe et à la procédure de transplantation, ainsi que celles qui concernent les donneurs vivants et les receveurs d’organes, afin d’assurer la traçabilité des organes, sans préjudice du secret professionnel ni de la protection des données personnelles. Ces registres devraient être conçus pour contenir des informations sur les procédures en vigueur dans un pays et sur les procédures de transplantation et de don dont ont bénéficié ailleurs les résidents de ce pays.
  1. Les pays sont encouragés à communiquer régulièrement ces informations à l’Observatoire du don et de la transplantation (Global Observatory on Donation and Transplantation), créé en collaboration avec l’Organisation mondiale de la santé.
  2. Les autorités sanitaires et les associations médicales devraient assurer que tous les professionnels de santé sont informés de la nature, de l’ampleur et des conséquences des infractions liées à la transplantation, ainsi que des responsabilités qui leur incombent en matière de prévention et de lutte contre ces activités criminelles et des moyens à mettre en œuvre pour y faire face.
  3. La meilleure stratégie de prévention des infractions liées à la transplantation est de travailler à l’autosuffisance en la matière. Les autorités sanitaires et les décideurs politiques devraient élaborer des stratégies préventives aux fins de réduire le poids des pathologies traitées par transplantation et accroître la disponibilité d’organes.
  4. L’accroissement de la disponibilité des organes devrait être fondé sur le développement et l’optimisation de programmes éthiquement solides de dons par des défunts après détermination de la mort selon des critères neurologiques ou circulatoires. Il convient de signaler que seuls certains pays acceptent la détermination de la mort selon des critères circulatoires. Les gouvernements devraient définir si le don d’organes après détermination de la mort selon des critères circulatoires est admis ou non dans leur juridiction et le cas échéant l’intégrer à leur législation.
  5. Les gouvernements devraient en outre élaborer et optimiser des programmes de don par des vivants fondés sur des normes professionnelles et éthiques reconnues et assurer la protection et le suivi adéquats des donneurs vivants.
  6. Ni les autorités sanitaires ni les compagnies d’assurance ne devraient rembourser les coûts de transplantation encourus dans un cadre délictuel. Cependant, une fois le patient transplanté, elles devraient assurer la prise en charge des coûts des médicaments et l’accès aux soins post-transplantation, comme pour tout autre patient ayant reçu une greffe.
  7. Les autorités devraient en outre assurer que les victimes de traite d’êtres humains à des fins de prélèvement ou de trafic d’organes humains reçoivent des soins médicaux et psychosociaux. Il conviendrait d’envisager une indemnisation efficace de ces personnes en raison du préjudice subi.
  8. l’élaboration d’un cadre permettant aux médecins et aux autres professionnels de santé de signaler aux forces de l’ordre tout cas suspect ou avéré de traite de personnes aux fins du prélèvement et du trafic d’organes humains, pour qu’une enquête soit lancée et des mesures prises pour poursuivre ces activités criminelles et de détenir les responsables. Les associations médicales nationales devraient plaider en faveur de la possibilité pour les professionnels de la santé de signaler les soupçons de traite de personnes, sur une base anonyme si nécessaire afin de protéger la sécurité de l’auteur du signalement. Le cas échéant, le signalement d’affaires de traite devrait constituer une exception permise à l’obligation du médecin de présever la confidentialité du patient.

Médecins et autres professionnels de santé :

  1. Les médecins ne sauraient procéder à la transplantation d’un organe obtenu de manière illicite. S’il existe des doutes raisonnables sur l’origine d’un organe, celui-ci ne devrait pas être utilisé. Si un médecin ou un chirurgien est sollicité pour procéder à la transplantation d’un organe obtenu au moyen d’une transaction financière ou sans le consentement valide du donneur ou sans l’autorisation requise par les autorités compétentes, il devrait s’abstenir de réaliser cette transplantation en expliquant ses raisons au bénéficiaire potentiel.
  2. Les médecins qui participent à l’évaluation préopératoire de donneurs vivants potentiels ne devraient pas seulement vérifier que les personnes satisfont aux critères médicaux présidant à ce type d’opération, mais également assurer qu’elles n’ont subi aucun type de contrainte et qu’elles n’ont reçu aucune contrepartie, financière ou autre, pour leur participation à l’opération. Il conviendrait d’assurer la légitimité de la relation entre donneur et receveur et les motivations altruistes du don. Les médecins doivent être particulièrement attentifs aux signaux d’alerte qui pourraient indiquer une infraction liée à la transplantation. Les donneurs vivants non-résidents, qui sont particulièrement vulnérables, doivent recevoir une attention particulière. Pour des raisons linguistiques, culturelles ou autres, évaluer la validité de leur consentement au don peut se révéler délicat, de même que de leur assurer un suivi adéquat. Le cas échéant, il conviendrait de trouver un médecin référent dans le pays d’origine du donneur vivant et dans celui du receveur pressenti.
  3. Les médecins ne sauraient favoriser ou faciliter l’implication de patients dans des infractions liées à la transplantation. En outre, ils devraient informer les patients des risques que ces activités font peser sur leur santé, celle de leurs proches et plus généralement celle de l’ensemble de la population. Les patients devraient en outre comprendre que ces activités supposent l’exploitation de personnes vulnérables qui peuvent souffrir de graves complications médicales et psychosociales. En conseillant leurs patients, les professionnels pourraient les dissuader d’entreprendre une transplantation illicite.
  4. Les médecins ont le devoir de soigner leurs patients transplantés, même si l’organe greffé a été obtenu de manière illicite. Si un médecin hésite, pour des raisons morales, à soigner un patient ayant reçu un organe de manière illicite, il devrait prendre les mesures nécessaires pour le transférer vers un autre médecin.
  5. Les médecins devraient contribuer à garantir la transparence des pratiques de traçabilité des organes. Lorsque les patients qui ont subi un don ou une transplantation à l’étranger cherchent à obtenir un suivi dans leur pays de résidence, toutes les informations utiles devraient être portées sur les registres nationaux de transplantation et signalées aux autorités de santé, comme pour les dons et greffes réalisés au sein du système national de transplantation.
  6. Il incombe aux médecins d’accroître la cohorte de donneurs morts afin de satisfaire les besoins de transplantation des patients. Il leur incombe également de prendre en compte et de faciliter le don d’organe d’éventuels donneurs si les valeurs et principes des patients le leur permettent. La possibilité du don devrait être ordinairement proposée en fin de vie de manière respectueuse, en tenant compte de la culture et de la religion du donneur potentiel et de ses proches. Les discussions relatives aux possibilités de don d’organe devraient être menées par des professionnels formés et expérimentés.
  7. Les médecins devraient promouvoir la recherche dans le domaine du don et de la transplantation d’organes, notamment des recherches ciblées visant à accroître la disponibilité d’organes en vue d’une transplantation, afin d’améliorer les résultats des greffes ou d’identifier des stratégies de rechange pour le remplacement d’organes, par exemple par des organes bioartificiels.

Adoptée par la 63e Assemblée Générale, Bangkok, Thaïlande, Octobre 2012
et révisée
par la 68e Assemblée générale, Chicago, Etats-Unis, Octobre 2017

 

PRÉAMBULE

1.    Les progrès de la médecine, notamment des techniques chirurgicales, de la détermination des groupes tissulaires et des médicaments immunosuppresseurs ont permis d’augmenter de manière significative le taux de succès des transplantations d’organes et de tissus humains. Dans tous les pays, la pénurie de donneurs d’organes a toutefois pour conséquence que des décès ne peuvent être évités. Les Associations médicales nationales devraient encourager les tentatives visant à accroître le nombre de donneurs d’organes dans leurs pays tout en veillant à ce que les plus hautes normes éthiques soient préservées. L’Association médicale mondiale a conçu cette politique pour aider les associations médicales, les médecins, les autres prestataires de soins et les décideurs politiques à atteindre cet objectif.

Cette politique est basée sur un nombre de principes éthiques clés : altruisme, autonomie, bienfaisance, équité et justice. Ces principes devraient guider les personnes qui sont chargées d’élaborer des politiques nationales et celles qui en bénéficient aux fins de l’obtention d’organes et de la distribution et transplantation d’organes de donneurs. Tous les systèmes et procédés devraient être transparents et ouverts à un contrôle.

Cette prise de position s’applique au don d’organes et de tissus à la fois des personnes décédées et des donneurs en vie. Elle ne traite pas du don de sang.

SENSIBILISATION DU GRAND PUBLIC

2.    Il est important que les gens prennent conscience qu’ils ont la possibilité de faire un don et de choisir de donner ou non des organes ou des tissus avant ou après leur mort. La prise de conscience et le choix devraient être facilités via une approche coordonnée et multidimensionnelle, par toutes les parties intéressées et par des moyens dont la sensibilisation par les médias et des campagnes publiques. En élaborant de telles campagnes, il convient de prendre en compte toutes les sensibilités religieuses ou culturelles de l’audience ciblée.

3.    Par des campagnes de sensibilisation, la population devrait être informée des bénéfices de la transplantation, de l’impact sur la vie de ceux qui sont en attente d’une greffe et de la pénurie d’organes disponibles. Les gens devraient être encouragés à réfléchir à leurs propres souhaits en matière de don, à discuter de leurs souhaits avec leur famille et amis et à utiliser les mécanismes existants pour les consigner de manière formelle en choisissant d’être, ou non, donneur.

4.    L’AMM se déclare en faveur du choix éclairé du donneur. Dans des pays ayant adopté ou envisageant une politique de « consentement présumé », c’est-à-dire qui prévoit que sauf stipulation contraire, la personne est supposée volontaire pour faire un don, ou de « choix mandaté » c’est-à-dire lorsque toutes les personnes sont priées de déclarer si elles veulent faire un don, les Associations médicales nationales doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour veiller à ce que de telles politiques soient rendues publiques et ne limitent pas le choix éclairé du donneur, y compris le droit du patient de ne pas donner.

5.    Il conviendrait de créer des registres nationaux de donneurs pour établir et maintenir une liste de citoyens qui ont choisi soit de donner, soit de ne pas donner leurs organes ou leurs tissus. Un tel registre doit protéger la vie privée et la possibilité pour chaque personne d’avoir un droit de regard sur la compilation, l’utilisation, la divulgation et l’accès à ses données de santé, à d’autres fins. Des dispositions doivent exister afin que la décision de s’enregistrer soit bien informée et que les personnes qui s’enregistrent puissent se retirer des listes facilement, rapidement et sans pénalité.

6.    Le don d’organes de son vivant est une composante de plus en plus importante des programmes de transplantation dans de nombreux pays. La plupart des dons de son vivant se font au bénéfice des proches ou de personnes dont on est émotionnellement proches et peu de gens donnent à des personnes qu’ils ne connaissent pas, mais leur nombre augmente malgré tout. Cela dit, le don d’organes de son vivant n’est pas sans risque pour la santé et des contrôles et des précautions sont de rigueur. Les informations visant à faire savoir qu’il est possible de faire un don d’organe de son vivant devraient être soigneusement rédigées afin de ne pas faire pression sur les éventuels donneurs et de réduire les risques de coercition, financière ou autre. Les donneurs potentiels devraient savoir où trouver des informations détaillées sur ce qu’implique le don, devraient être informés sur les risques y afférents et savoir qu’il existe des mesures de précaution pour protéger les donneurs.

PROTOCOLES APPLICABLES AU DON D’ORGANES ET DE TISSUS PRÉLEVÉS SUR DES DONNEURS DÉCÉDÉS

7.    L’AMM encourage ses membres à soutenir l’établissement de protocoles complets et coordonnés au niveau national pour l’obtention d’organes et de tissus, en consultation et en coopération avec toutes les parties intéressées. Les questions éthiques, culturelles et sociétales liées au don et à la transplantation devraient être réglées, si possible, via un processus ouvert impliquant un débat public étayé par des preuves solides.

8.    Les protocoles nationaux devraient fournir des informations détaillées sur l’identification, les références et la gestion des donneurs potentiels ainsi que sur la communication avec les proches des personnes décédées. Les protocoles devraient défendre les principes clés suivants :

  • La décision d’interrompre ou d’arrêter un traitement destiné à prolonger la vie devrait reposer sur une évaluation des bénéfices de ce traitement pour le patient. Une telle décision doit être totalement indépendante de toute décision de don et doit être considérée comme telle.
  • Le constat du décès devrait être établi selon les directives nationales et comme souligné dans la déclaration de Sydney de l’AMM sur la détermination de la mort et le prélèvement d’organes.
  • L’équipe soignante et l’équipe chargée de la greffe devraient être deux équipes bien distinctes. En particulier, le médecin qui constate ou certifie le décès d’un donneur potentiel ne devrait pas être impliqué dans la procédure de transplantation. Il ne devrait pas non plus avoir la responsabilité de soigner le receveur d’organe.
  • Les pays qui effectuent des dons après une mort cardiaque ou circulatoire devraient disposer de protocoles spécifiques et détaillés pour cette procédure.
  • Lorsqu’une personne a exprimé un souhait clair et déterminé de donner ses organes ou ses tissus après sa mort, des mesures devraient être prises pour faciliter cette volonté autant que possible. Cette responsabilité incombe à l’équipe traitant le patient mourant.
  • L’AMM considère que les souhaits du donneur potentiel sont prioritaires. Les parents et les proches du patient devraient être vivement encouragés à défendre le souhait exprimé avant sa mort de donner des organes ou des tissus. Lorsque cela est possible, il est souhaitable d’aborder ces sujets avant le décès du patient.
  • Les personnes chargées d’en parler avec le patient, les membres de la famille ou d’autres personnes désignées pour prendre des décisions sur le don d’organes et de tissus devraient avoir à la fois les connaissances, les compétences et la sensibilité requises pour prendre part à ce type d’entretien. Les étudiants en médecine et les médecins en exercice devraient s’efforcer de se former à cette tâche et les autorités appropriées devraient fournir les ressources nécessaires pour assurer une formation correcte.
  • Le don doit n’être soumis à aucune condition. Dans des cas exceptionnels, la demande de donneurs potentiels ou de personnes désignées pour décider à leur place souhaitant qu’un organe ou un tissu soit donné à un bénéficiaire particulier peut être prise en compte si la législation nationale le permet. Les donneurs cherchant à instaurer des conditions qui pourraient être discriminatoires vis-à-vis de certains groupes devraient être refusés.

9.    Les hôpitaux et les autres institutions où sont réalisés des dons devraient veiller à ce que les protocoles de don soient rendus publics auprès de ceux qui sont susceptibles de les utiliser et veiller à ce que les ressources soient disponibles pour leur application. Ils devraient également encourager une culture favorable au don, pour qu’au sein de l’institution, la vérification d’une éventuelle déclaration de don devienne une procédure habituelle plutôt qu’une exception lorsqu’un patient décède.

10. Les coordinateurs d’une transplantation ont un rôle capital à jouer dans le don d’organes. Ils sont les intermédiaires clés entre la famille en deuil et l’équipe chargée de la prise en charge du don. Habituellement, ils s’occupent de la logistique complexe qui permet que le don puisse avoir lieu. Leur rôle doit être reconnu et soutenu.

11. Le don d’un organe d’une personne décédée devrait être considéré comme un cadeau, librement et volontairement offert. Il devrait impliquer le consentement volontaire et sans contrainte, donné par la personne avant son décès (en se déclarant donneur ou non donneur, en fonction de la juridiction) ou sur l’autorisation volontaire des proches du patient décédé si les souhaits de la personne n’étaient pas connus. L’AMM s’oppose fermement à la commercialisation des dons et des transplantations.

12. Les donneurs potentiels ou les personnes qui peuvent prendre à leur place les décisions concernant leur santé devraient bénéficier d’informations suffisamment précises et pertinentes, y compris par l’intermédiaire de leurs médecins généralistes. Normalement, ces informations devraient comporter les éléments suivants :

  • les procédures et les définitions liées à la détermination du décès ;
  • les tests à effectuer pour déterminer la compatibilité des organes ou des tissus pour les greffes et les éventuels risques imprévisibles pour les donneurs potentiels et leurs familles ;
  • les mesures éventuellement nécessaires pour préserver la fonction des organes jusqu’à la mort et la greffe ;
  • le devenir du corps une fois le décès constaté ;
  • les organes et tissus qui peuvent être donnés ;
  • le protocole qui sera suivi dans l’éventualité d’un refus de don de la part de la famille ;
  • la possibilité de retirer son consentement et la marche à suivre pour ce faire.

13. Les donneurs potentiels ou les personnes habilitées à prendre à leur place les décisions qui les concernent en matière de santé devraient pouvoir poser des questions sur le don et devraient obtenir une réponse compréhensible et formulée avec tact.

14. Lorsqu’on compte prélever à la fois des organes et des tissus sur le donneur, il convient de donner les informations correspondantes et d’obtenir le consentement des proches de la personne décédée pour les deux à la fois, afin de réduire, autant que possible, leur détresse et leur trouble.

15. Dans certaines parties du monde, la famille du donneur reçoit une contribution pour les frais funéraires. Cela peut être vu soit comme une reconnaissance de leur acte altruiste soit comme une rémunération compromettant le caractère volontaire et altruiste du don. L’interprétation peut en partie dépendre de la façon dont le don est fait et géré. Si l’on envisage un tel système, il est nécessaire de veiller à ce que les principes clés de l’altruisme, de l’autonomie, de la bienfaisance, de l’équité et de la justice soient respectés.

16. La prise de décision libre et éclairée nécessite non seulement de disposer d’informations, mais également de ne pas subir de coercition. Tout soupçon de pression ou de contrainte doit être dissipé avant que ne soit prise la décision de donner ou non des organes ou des tissus.

17. Les détenus et les autres personnes qui sont incarcérées dans une quelconque institution devraient avoir la possibilité de faire un don d’organe après leur décès à condition que toutes les précautions aient été prises pour assurer que ce don est conforme à leur volonté préalable et non contrainte. Lorsque le détenu ou la personne incarcérée n’est pas en mesure de donner son consentement, il convient que l’autorisation soit donnée par un membre de sa famille ou une autre personne habilitée à prendre cette décision. Une telle autorisation ne saurait prévaloir sur un refus ou un retrait préalable du consentement.

18. Le décès doit être lié à une cause naturelle et vérifiable.

19. Dans les juridictions où la peine de mort est appliquée, les prisonniers exécutés ne doivent pas être considérés comme des donneurs d’organes et/ou de tissus. Il peut y avoir des cas particuliers où les prisonniers agissent volontairement et sans pression, mais il est impossible de mettre en place des précautions adéquates pour protéger systématiquement les détenus contre la coercition.

ATTRIBUTION D’ORGANES DE DONNEURS DÉCÉDÉS

20. L’AMM considère que des politiques explicites, accessibles au public, devraient exister sur tous les aspects du don et de la greffe d’organes et/ou de tissus, y compris la gestion des listes de malades en attente de greffe afin d’assurer une attribution juste et adaptée.

21. Les politiques de gestion des listes d’attente devraient être efficaces et loyales. Les critères à prendre en compte dans l’attribution d’organes ou de tissus comprennent :

  • la gravité et l’urgence des besoins médicaux ;
  • le temps de présence sur la liste ;
  • les chances médicales de réussite de la greffe, mesurées via des facteurs tels que le type de maladie, les améliorations probables de la qualité de vie, les autres complications et l’histocompatibilité.

22. Il ne saurait y avoir aucune discrimination basée sur le statut social, le mode de vie ou le comportement. Aucun critère non médical ne saurait être pris en compte.

PROTOCOLES APPLICABLES AU DON D’ORGANES ET DE TISSUS PRÉLEVÉS SUR DES DONNEURS VIVANTS

23. Le don de son vivant est de plus en plus fréquent, pour pallier la pénurie d’organes de donneurs décédés. Dans la plupart des cas, les donneurs fournissent des organes à un membre de leur famille ou à une personne dont ils sont émotionnellement proches. Un petit nombre de personnes choisissent de donner un organe par altruisme à un inconnu. Il existe également la possibilité du don croisé ou collectif : un ou plusieurs ensembles de donneurs/receveurs sont incompatibles entre eux, mais font un don à une personne et leur proche reçoit d’une autre personne (par exemple, le donneur A donne au receveur B, le donneur B donne au receveur C et le donneur C donne au receveur A).

24. Les donneurs potentiels devraient avoir des informations précises et à jour sur la procédure et les risques liés au don et devraient pouvoir en discuter en privé avec un membre de l’équipe soignante ou un conseiller. Normalement, ces informations comprennent :

  • les risques que suppose le fait d’être un donneur vivant ;
  • les tests menés pour évaluer la compatibilité du donneur et les problèmes de santé non anticipés ;
  • ce qui se passe avant, pendant et après le don ;
  • dans le cas d’organes solides, les conséquences à long terme d’une vie sans l’organe donné.

25. Les donneurs potentiels devraient pouvoir poser des questions sur le don et devraient obtenir une réponse à leurs questions qui soit compréhensible et formulée avec tact.

26. Des procédures supplémentaires devraient exister pour veiller à ce que de tels donneurs agissent librement, sans pression ni contrainte. Afin d’éviter que les donneurs soient payés et se fassent connaître, il conviendrait d’effectuer des contrôles indépendants et d’annuler le don si les preuves d’un don réel et anonyme ne sont pas réunies. De tels contrôles devraient être indépendants de l’équipe chargée de la greffe et de celle prenant en charge le receveur potentiel.

27. Les donneurs vulnérables devraient être protégés par des précautions supplémentaires, y compris, mais sans s’y limiter, les personnes considérées comme dépendantes (comme les mineurs capables donnant à un parent, à une sœur ou à un frère).

28. Les prisonniers devraient être autorisés à être des donneurs de leur vivant, mais seulement dans des circonstances exceptionnelles, aux membres de leur famille proche ou aux personnes dont ils sont émotionnellement proches. Il conviendrait de prouver la relation alléguée avant d’effectuer le don. Lorsque les prisonniers sont considérés comme des donneurs de leur vivant, des précautions ad hoc sont requises pour s’assurer que leur acte est volontaire et exempt de contrainte.

29. Ceux qui ne sont pas capables de donner leur consentement ne devraient pas être considérés comme des donneurs de leur vivant en raison de leur incapacité à comprendre et à décider de manière volontaire. Des exceptions sont éventuellement possibles dans des circonstances très exceptionnelles, et après une étude juridique et éthique.

30. Les donneurs ne doivent pas subir de perte financière liée à leur don et devraient donc être remboursés de leurs frais généraux et de leurs dépenses médicales ainsi que de toute perte de revenus.

31. Dans certaines parties du monde, des personnes sont rémunérées pour donner un rein même si dans presque tous les pays, la vente d’organes est illégale. L’AMM s’oppose fermement à un marché d’organes.

PROTOCOLES APPLICABLES AUX RECEVEURS

32. Les protocoles de prise de décision libre et éclairée devraient être respectés pour les receveurs d’organes ou de tissus. Normalement, ces informations comportent les éléments suivants :

  • les risques de la procédure ;
  • la survie probable à court, moyen et long terme, la morbidité et la qualité de vie prévisible ;
  • les solutions autres que la greffe ;
  • la manière dont les organes et les tissus sont obtenus.

33. Dans le cas d’un retard dans le diagnostic d’une infection, d’une maladie ou d’un cancer du donneur, on devrait pouvoir présumer sans risque de se tromper que le receveur sera informé de tout risque auquel il pourrait avoir été exposé. La décision individuelle de divulgation doit tenir compte des circonstances particulières, y compris le niveau et la gravité du risque. Dans la plupart des cas, il convient de signaler les risques encourus, de manière respectueuse et délicate.

COÛTS ET ORIGINE DES ORGANES ET DES TISSUS

34. Les organes ou les tissus suspectés d’avoir été obtenus par des transactions commerciales ne doivent pas être acceptés pour des greffes.

35. Les organes et les tissus ne doivent pas être vendus pour faire du profit. Dans le calcul du coût de la greffe, les frais liés à l’organe ou au tissu lui-même devraient se limiter aux coûts directement associés à son prélèvement, sa conservation, son attribution et sa transplantation.

36. Les chirurgiens effectuant les greffes devraient veiller à ce que les organes et les tissus qu’ils transplantent aient été obtenus conformément aux dispositions de cette politique et ne devraient pas greffer des organes et des tissus en sachant ou en soupçonnant qu’ils ont été obtenus d’une manière frauduleuse et non éthique.

TRANSPARENCE ET RESPONSABILITÉ

37. Les Associations médicales nationales devraient travailler avec le gouvernement dont elles dépendent et les institutions compétentes pour assurer qu’il existe des structures et des procédures adaptées et efficaces aux fins :

  • de soutenir les mesures de traçabilité et de suivi permettant de vérifier que tous les bénéficiaires d’une transplantation et les donneurs vivants, y compris ceux qui requièrent un suivi médical permanent, reçoivent les soins et le soutien dont ils ont besoin ;
  • de compiler les informations relatives au nombre de dons et de transplantations et aux résultats obtenus ;
  • d’évaluer les résultats à court et à long terme, la qualité, la sécurité et l’efficacité des activités de dons et de transplantation d’organes ;
  • d’évaluer l’adhésion aux protocoles éthiques et cliniques des activités de dons et de transplantation d’organes.

38. Les données relatives à ces activités doivent être publiques et contrôlables (sans préjudice d’une protection adéquate de la vie privée des donneurs et des receveurs).

OPTIONS FUTURES

39. Les mesures de santé publique visant à réduire les besoins de greffe d’organes devraient être considérées comme une priorité, de même que les initiatives visant une plus grande efficacité et meilleure réussite des systèmes de don d’organes.

40. Les nouvelles évolutions et possibilités comme la xénogreffe et l’utilisation de cellules souches pour réparer les organes endommagés devraient faire l’objet d’un suivi attentif. Avant leur application clinique, de telles technologies devraient être soumises à des études scientifiques et de stricts contrôles de sûreté ainsi qu’à une étude éthique. Lorsque, comme c’est le cas avec la xénotransplantation, il existe des risques potentiels qui s’étendent au-delà des receveurs, ce procédé doit faire l’objet d’un débat public.

Adoptée par la 52e Assemblée générale de l’AMM Edimbourg, Écosse, Octobre 2000
et révisée par la 57e Assemblée générale de l’AMM, Pilanesberg, Afrique du Sud, Octobre 2006
et supprimeée par la 65e Assemblée générale de l’AMM, Durban, Afrique du Sud, Octobre 2014

  1. Introduction

    1. Les progrès des sciences médicales, notamment des techniques chirurgicales, du typage tissulaire et des médicaments immunosuppresseurs, ont permis d’accroître considérablement le taux de réussite des transplantations d’organes. A la lumière de cette évolution, il est nécessaire de reprendre la réflexion sur les problèmes éthiques que posent le don et la transplantation d’organes et sur les principes qui permettraient de les résoudre. L’Association Médicale Mondiale a étudié ces problèmes et ces principes et élaboré cette politique dans lequel médecins, associations médicales et autres prestataires de soins ainsi que toute personne chargée d’établir des politiques et des protocoles sur ce sujet pourront trouver une ligne de conduite.
    2. Cette politique s’appuie sur des principes d’éthique générale et médicale. En matière d’éthique, les différences de valeurs et de principes sont inévitables. Il existe, par exemple, un conflit entre le désir d’obtenir des organes dans le but de dispenser un traitement médical important, d’une part, et le respect du choix et de la liberté personnelle, d’autre part. Les principes énoncés dans cette politique peuvent aider à clarifier ou comprendre la pensée qui sous-tend une déclaration donnée.
  2. Obligations professionnelles des médecins

    1. La première obligation des médecins est celle qu’ils ont envers leurs patients, qu’ils soient ou pas donneurs ou receveurs potentiels d’organes. En corrélation avec cette obligation, les médecins peuvent également porter une responsabilité vis-à-vis de la famille et des amis proches des patients, notamment avoir à leur demander et à tenir compte de leur point de vue sur le prélèvement d’organes d’un parent ou ami décédé. Les obligations envers le patient devront néanmoins prévaloir sur toute obligation éventuelle envers les membres de sa famille. Cette obligation n’est cependant pas absolue. Ainsi, par exemple, la responsabilité du médecin envers le bien-être d’un patient qui nécessite une transplantation ne justifie pas l’obtention illégale ou contraire à l’éthique d’organes ou de tissus.
    2. Les médecins ont des responsabilités envers la société, notamment de promouvoir une juste utilisation des ressources, de prévenir le mal et de promouvoir la santé pour tous, et aussi parfois, d’encourager le don d’organes.
    3. Les chirurgiens qui effectuent les transplantations doivent s’assurer que les organes qu’ils transplantent sont obtenus dans le respect des règles énoncées dans la présente déclaration et doivent s’abstenir de transplanter des organes qu’ils savent ou suspectent de ne pas avoir été obtenus d’une manière légale et éthique.
  3. Obtention d’organes: aspects sociaux

    1. L’AMM exhorte tous ses membres à soutenir, en consultation et en coopération avec toutes les parties concernées, le développement de stratégies nationales globales et coordonnées relatives à l’obtention d’organes. Ils devront, ce faisant, prêter une attention particulière aux droits de l’homme, aux principes éthiques et à l’éthique médicale. Il importe par ailleurs que les solutions aux questions éthiques, culturelles et sociales soulevées par l’élaboration de ces stratégies et la question du don et de la transplantation en général, soient élaborées, dans la mesure du possible, au cours d’un processus ouvert impliquant le dialogue et des débats publics sur la base de preuves irréfutables.
    2. Certains types de transplantations d’organes font désormais partie des soins de santé importants et reconnus. Dans la mesure où la pénurie d’organes entrave la délivrance des traitements nécessaires, la profession médicale a le devoir de promouvoir des politiques et des protocoles conformes aux valeurs de la société afin d’obtenir des organes pour les traitements jugés nécessaires.
    3. Il est important que chacun soit informé de la possibilité d’effectuer un don et puisse éventuellement choisir d’être donneur ou non (choix facilité, par exemple). Cette prise de conscience et ce choix devraient être facilités par une approche diversifiée et coordonnée reposant sur une variété de moyens et de coparticipants, y compris une sensibilisation des media et des campagnes publiques. Les médecins doivent donner à leurs patients la possibilité de faire leur choix en matière de don d’organes, l’idéal étant de le faire dans le cadre d’une relation suivie et avant qu’une crise ne donne à ce choix un caractère d’urgence.
    4. L’AMM est favorable au principe du choix éclairé du donneur. Les Associations Médicales Nationales des pays ayant adopté ou envisageant l’adoption du principe de « consentement présumé », selon lequel on présume, sauf preuve contraire, que le consentement a été donné, ou celui du « choix mandaté « , selon lequel chacun devrait déclarer son souhait de donner ses organes, doivent faire tout leur possible pour s’assurer que ces directives ne restreignent pas le choix éclairé des donneurs, y compris leur droit de refuser d’être donneur.
    5. Il faudrait envisager la création de registres nationaux de donneurs permettant d’établir et d’actualiser la liste des citoyens ayant choisi de faire ou non un don de leurs organes. Ces registres devront protéger la vie privée et la possibilité de chacun de contrôler la collecte, l’utilisation, la divulgation et l’accès à ses données médicales à des fins autres que l’inscription aux registres. Il faudra veiller à ce que la décision soit suffisamment éclairée et que les personnes inscrites puissent retirer leur nom de la liste sans pénalités.
  4. Obtention d’organes au plan individuel et institutionnel

    1. Le don d’organes peut être favorisé par des politiques et des protocoles régionaux. L’AMM recommande que les programmes d’obtention d’organes, les hôpitaux et les autres institutions recevant des organes aient les obligations suivantes :
      1. élaborer des politiques et des protocoles encourageant l’obtention d’organes dans le respect des principes énoncés dans cette politique. De telles politiques doivent être conformes aux obligations professionnelles des médecins et aux valeurs de la société, y compris la prise de décision libre et informée, la confidentialité et l’accès équitables aux soins médicaux nécessaires.
      2. faire connaître ces politiques et protocoles aux personnes chargées de coordonner les transplantations, aux médecins et autres prestataires de soins de santé dans l’établissement.
      3. assurer la mise à disposition de ressources suffisantes afin que ces politiques et protocoles puissent être appliqués correctement.
  5. Don après décès

    1. Les médecins doivent veiller à ce que les contacts au chevet des patients, notamment les discussions concernant le don d’organes, soient respectueux et conformes aux principes éthiques et leurs obligations vis-à-vis de la confiance que leur témoignent leurs patients. Cela est d’autant plus important que le contexte du patient mourant ne saurait offrir des conditions idéales à une prise de décision libre et éclairée. Les protocoles devront préciser que toute personne engageant avec le patient, sa famille ou tout autre représentant désigné, des discussions sur le don d’organes, doit posséder à la fois connaissances, compétences et sensibilité. Les étudiants en médecine et les médecins en exercice devraient s’efforcer d’acquérir la formation nécessaire à l’accomplissement de cette tâche et les autorités compétentes devraient fournir les ressources nécessaires pour garantir cette formation. Il est indispensable que la personne qui approche le patient ou la famille au sujet d’une décision de don ne fasse pas partie de l’équipe chargée de la transplantation.
  6. Prise de décision libre et éclairée concernant le don d’organes

    1. L’AMM estime que la volonté du donneur potentiel est primordiale. Lorsque le souhait du donneur potentiel est inconnu et que ce donneur est décédé sans exprimer un souhait précis en matière de don, la famille ou une autre personne désignée pourra se substituer à lui et aura le droit de donner ou de refuser la permission le don, à moins que des souhaits contraires aient été préalablement exprimés.
    2. La preuve de la décision libre et éclairée du donneur potentiel ou, lorsque la loi le permet, de son représentant légal doit être établie avant de commencer la procédure d’obtention d’organes. Dans les pays où le consentement présumé est la norme légale, le processus d’obtention d’un organe doit être assorti de mesures raisonnables afin de savoir si le donneur potentiel avait opté pour le don.
    3. Le fait d’avoir obtenu des organes à des fins de transplantation ne doit pas servir de critère pour évaluer la qualité du processus de décision libre et informé. La qualité de la procédure d’obtention repose sur un choix bien éclairé et libre de toute pression et non pas sur le fait que l’on ait abouti au don.
    4. La décision libre et éclairée est une procédure nécessitant l’échange et la compréhension d’informations ainsi que l’absence de coercition. Parce que les prisonniers et les autres détenus ne sont pas en mesure de donner librement leur consentement et qu’ils peuvent être l’objet de coercitions, leurs organes ne doivent pas utilisés à des fins de transplantation, sauf si ces derniers sont destinés à des membres de leur famille proche.
    5. Afin que le choix de donner des organes soit dûment éclairé, les donneurs potentiels ou leurs représentants légaux doivent bénéficier s’ils le souhaitent, d’informations pertinentes. Normalement, ces informations doivent porter sur les points suivants :
      1. dans le cas de donneurs en vie, les avantages et les risques de la transplantation,
      2. dans le cas de donneurs décédés, les procédures et les définitions liées à la constatation du décès,
      3. le contrôle des organes, afin de s’assurer qu’ils sont propres à la transplantation. On peut éventuellement découvrir des risques insoupçonnés pour la santé des donneurs potentiels et de leurs familles,
      4. dans le cas de donneurs décédés, les mesures éventuellement nécessaires pour maintenir le fonctionnement des organes jusqu’à la constatation du décès et la transplantation,
      5. les organes qu’ils ont accepté de donner,
      6. le protocole qui sera suivi concernant la famille dans le cas où elle s’opposerait au don et,
      7. dans le cas de donneurs en vie, les implications sur le fait de vivre sans l’organe donné.
    6. Les donneurs potentiels doivent être informés que les familles s’opposent parfois au don ; les donneurs doivent être invités à discuter de leur choix avec leur famille afin d’éviter tout conflit.
    7. Les donneurs potentiels ou leurs représentants légaux doivent pouvoir poser des questions concernant le don et obtenir des réponses empreintes de tact et compréhensibles.
    8. Lorsque la volonté du patient est connue et qu’il n’y a pas de raison de croire que le choix du don a été effectué contre son gré, qu’il n’a pas été suffisamment éclairé ou qu’il a changé, il conviendra de le respecter. Cette mesure devra être précisée dans la législation, les directives et les protocoles. Il importe, en pareil cas, d’encourager les familles à respecter les désirs clairement exprimés par le patient.
    9. Lorsque le souhait du patient est inconnu ou qu’il n’est pas clair, la législation nationale devra prévaloir.
    10. Les protocoles relatifs à la décision libre et éclairée doivent également s’appliquer aux receveurs d’organes. Ils doivent normalement contenir des informations sur :
      1. les risques de procédure
      2. les chances de survie, à court, à moyen et long terme, la morbidité et les perspectives en matière de qualité de vie
      3. les alternatives possibles à la transplantation
      4. le mode d’obtention des organes
    11. Dans le cas des donneurs en vie, il importe de s’assurer que le choix du don est libre de toute contrainte. Les incitations financières pour l’obtention d’organes à des fins de transplantation peuvent être coercitives et doivent être interdites. Les personnes incapables de prendre des décisions éclairées, par exemple les mineurs ou les personnes frappées d’incapacité mentale, ne devraient pas être considérées comme des donneurs potentiels, sauf dans des situations tout à fait particulières et conformément aux rapports des comités d’éthique ou aux protocoles établis. Afin d’éviter tout conflit d’intérêt, le médecin qui obtient le consentement éclairé du donneur vivant ne doit pas faire partie de l’équipe chargée de la transplantation.
  7. Constatation du décès

    1. L’AMM estime que la constatation du décès est une question clinique qui doit respecter les directives largement acceptées et établies par des groupes d’experts médicaux et comme stipulée dans la Déclaration de Sydney sur la constatation de la mort et la collecte d’organes de l’Association médicale mondiale.
    2. Il importe d’élaborer des protocoles et des procédures afin d’informer les patients et les familles sur les procédures de diagnostic du décès et des possibilités de don après le décès.
    3. Afin d’éviter tout conflit d’intérêt, le médecin qui constate et/ou certifie le décès du donneur potentiel d’organe ne soit pas impliqué dans le processus du prélèvement ou de transplantation consécutive ou être responsable des soins des receveurs potentiels.
  8. Egalité d’accès aux organes et aux tissus

    1. L’AMM estime qu’il doit exister des politiques explicites accessibles au public, régissant tous les aspects du don et de la transplantation d’organes, y compris la gestion des listes d’attente d’organes afin d’assurer un accès juste et approprié.
    2. Les politiques gouvernant la gestion des listes d’attente doivent assurer efficacité et équité. L’allocation d’organes et de tissus doit tenir compte de l’importance du besoin médical, de la durée d’attente sur la liste, les chances de succès en fonction notamment du type de maladie, des complications et de l’histocompatibilité. Aucune discrimination ne doit avoir lieu sur la base du statut social, du style de vie ou du comportement.
    3. Les appels au don d’organes à l’intention d’un receveur spécifique doivent encore être analysés et étudiés sur le plan éthique afin d’estimer l’impact possible sur l’équité des allocations.
    4. Le paiement pour des organes donnés à des fins de transplantations doit être interdit. L’incitation financière compromet la liberté de choix et le désintéressement sur lequel se fonde le don. De plus, l’accès au traitement médical nécessaire basé sur la solvabilité est contraire au principe de justice. Les organes susceptibles d’avoir été l’objet de transactions commerciales ne doivent pas être acceptés à des fins de transplantation. Par ailleurs, la publicité en faveur du don d’organes avec une contrepartie financière doit être interdite. Cependant, le remboursement raisonnable des dépenses engagées, notamment pour l’obtention, le transport, le traitement, la conservation et l’implantation des organes est acceptable.
    5. Les médecins auxquels on demande de transplanter un organe obtenu par une transaction commerciale doivent refuser de le faire et doivent expliquer au patient pourquoi un tel acte médical serait contraire à l’éthique: parce que la personne qui a fourni l’organe a mis en péril sa vie pour des raisons financières et non altruistes et parce que de telles transactions sont contraires au principe de justice en matière d’allocation d’organes destinés à des transplantations.
  9. Nouvelles méthodes de transplantation et méthodes expérimentales

    1. L’AMM estime que même si de nombreuses méthodes de transplantation sont aujourd’hui couramment utilisées dans le traitement médical de toute une série de pathologies, d’autres sont encore expérimentales et/ou sont, sur le plan moral, l’objet de controverses et nécessitent de plus amples recherches, des précautions, des directives et un débat public.
    2. Les méthodes expérimentales nécessitent des protocoles, y compris une étude éthique, qui sont différents et plus rigoureux que ceux applicables aux actes médicaux classiques.
    3. La xénotransplantation soulève des questions spécifiques, notamment au regard du risque de transmission non intentionnelle de virus et autres agents pathogènes qu’engendre le croisement des espèces. Il est urgent d’élargir le débat public sur la xénotransplantation afin de s’assurer que les progrès réalisés dans ce domaine sont en accord avec les valeurs de la société. Il importe que des recommandations internationales régissant ces pratiques soient élaborées.
    4. Les transplantations d’organes conçues à l’aide de technologies de substitution des cellules nucléaires nécessitent des études scientifiques, un débat public et des directives appropriées avant d’être avalisées.

14.10.2006