Prise de Position de l’AMM sur le VIH/SIDA et la Profession Médicale


Adoptée par la 57e Assemblée générale de l’AMM, Pilanesberg, Afrique du Sud, Octobre 2006
et amendée par la 68
Assemblée générale, Chicago, Etats-Unis, Octobre 2017

INTRODUCTION

1.      Le VIH/SIDA est une pandémie mondiale qui a été une source de défis sans précédent pour les médecins et les infrastructures sanitaires.

Le VIH/SIDA constitue non seulement une terrible catastrophe de santé publique mais aussi un problème fondamental en matière de droits humains.

De nombreux facteurs contribuent à propager la maladie, tels que la pauvreté, l’absence de domicile, l’illettrisme, la prostitution, la traite d’êtres humains, la toxicomanie, la stigmatisation, la discrimination et l’inégalité des sexes.

Ces facteurs sociaux, économiques, juridiques et ceux ayant trait aux droits de l’homme ont un impact non seulement sur la dimension sanitaire du VIH/SIDA mais aussi sur les médecins/le personnel de santé et les patients, sur leurs décisions et leurs relations.

Les efforts de lutte contre cette maladie sont en outre entravés par le manque de ressources humaines et financières que subissent les systèmes de santé.

2.      La discrimination envers les patients atteints du VIH/SIDA par des médecins est inacceptable et elle doit être éradiquée de la pratique médicale.

2.1    Toutes les personnes infectées ou affectées par le VIH/SIDA ont droit à une prévention, un soutien, un traitement et des soins adéquats, le tout avec compassion et respect de la dignité humaine.

2.2    Il est contraire à l’éthique qu’un médecin refuse de traiter un patient dont la pathologie entre dans son domaine de compétences, au prétexte unique que le patient est séropositif.

2.3    Les associations médicales nationales devraient travailler avec les gouvernements, les groupes de patients et les organisations nationales et internationales concernées afin de veiller à ce que les politiques de santé nationales interdisent très clairement toute discrimination envers les personnes infectées ou affectées par le VIH/SIDA, y compris les groupes de personnes vulnérables, comme les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et les personnes transgenres.

2.4    Les femmes et les hommes qui ont des relations sexuelles avec des partenaires du même sexe courent un plus haut risque de discrimination à tous les niveaux. Les associations médicales nationales doivent travailler avec les gouvernements, des organisations non gouvernementales et des organisations communautaires à l’élimination des discriminations envers ces personnes désavantagées.

 

DES SOINS MÉDICAUX APPROPRIÉS ET DE QUALITÉ

3.      Les patients porteurs du VIH/SIDA doivent recevoir des soins médicaux adaptés et de qualité à tous les stades de la maladie.

4.      Les médecins qui ne sont pas en mesure d’assurer les soins et les services nécessaires aux patients atteints du VIH/SIDA doivent orienter ces derniers en temps utile vers des médecins ou des établissements à même de proposer ces services et compétences. En attendant que le patient ait pu être pris en charge par ces derniers, il convient que le médecin continue de suivre et de traiter le patient.

5.      Tous les médecins doivent être en mesure de soupçonner et de détecter en temps utile les infections opportunes communes telles que la tuberculose, les infections fongiques du VIH/SIDA, tout comme ils doivent soupçonner la présence du VIH/SIDA lorsqu’ils rencontrent ces infections, notamment chez les personnes à haut risque comme les consommateurs de drogues injectables.

Ils doivent conseiller ces patients sur le lien qui existe entre ces infections et l’infection par le VIH/SIDA.

6.      Les médecins et les autres organismes professionnels concernés doivent veiller à ce que les patients aient des informations précises concernant les moyens de transmission du VIH/SIDA et les stratégies d’autoprotection contre l’infection.

Il convient de prendre des mesures proactives afin d’assurer que toute la population et en particulier les groupes à risque soient informés à cette fin.

L’information de la population et les stratégies connexes doivent faire passer le message que tout le monde est concerné par ce risque et diffuser les méthodes de réduction du risque.

7.      Les médecins doivent conseiller efficacement tous les patients séropositifs sur l’adoption d’un comportement responsable qui permette d’éviter la contamination de leurs partenaires et la prévention des infections opportunistes.

8.      Les médecins doivent savoir que de nombreuses personnes pensent encore que le VIH/SIDA est une condamnation à mort automatique et immédiate et ne font donc pas de test.

Les médecins doivent veiller à ce que les patients soient bien informés des options thérapeutiques dont ils disposent.

Les patients doivent être informés du potentiel du traitement antirétroviral (ART) sur l’amélioration non seulement de leur état de santé mais aussi de leur qualité de vie. La nouvelle stratégie consiste à tester et à traiter.

Un traitement antirétroviral efficace peut grandement prolonger la période pendant laquelle les patients peuvent mener une vie normale, avoir une réelle vie sociale et professionnelle et conserver leur autonomie.

Le VIH/SIDA peut désormais être une maladie chronique gérable.

Pour une bonne thérapie par antirétroviraux, il convient de suivre les de pratiques recommandées par l’OMS, qui sont fondées sur les données scientifiques disponibles et qui sont spécifiques à chaque pays.

9.      Les médecins doivent être conscients que la désinformation sur les aspects négatifs des antirétroviraux n’incite pas certains patients à se faire traiter. Là où règne la désinformation sur les ART, les médecins et les associations médicales doivent se fixer comme priorité immédiate de dénoncer publiquement la source de désinformation et de travailler avec la communauté porteuse du VIH/SIDA pour pallier les effets négatifs de cette désinformation.

10.    Les médecins devraient encourager l’implication de réseaux de soutien afin d’encourager les patients à adhérer à la thérapie antirétrovirale. Avec le consentement du patient, le suivi et la formation doivent être mis à disposition des membres de la famille pour les aider à dispenser des soins.

11.    Les médecins doivent être conscients des attitudes discriminatoires vis-à-vis des personnes atteintes du VIH/SIDA qui prédominent dans la société et la culture locale. Les médecins étant les premiers et parfois les seuls à être informés de la contamination par le VIH des patients, ils devraient être capables de les instruire sur leurs droits et responsabilités sur le plan social et juridique ou les orienter vers des conseillers spécialisés dans le droit des personnes vivant avec le VIH/SIDA.

12.    Les médecins devraient connaître les directives actuelles en matière de prophylaxie pré et post exposition pour tous les patients et les soignants, quel que soit le mode d’exposition au VIH.

 

TESTS

13.    Il convient d’imposer un test du VIH à tout le sang et aux composants du sang recueillis par le don ou devant être utilisés pour la fabrication de produits sanguins, d’organes et autres tissus destinés à la transplantation, ainsi qu’à tout le sperme et les ovules recueillis dans le cadre de procédures de reproduction assistée.

Il convient d’encourager les technologies récentes de dépistage du VIH, qui sont plus sensibles, précises et qui permettent de réduire la fenêtre sérologique, comme le test d’amplification des acides nucléiques (TAAN).

14.    La pratique d’un test de dépistage du VIH sur une personne contre sa volonté est une violation de l’éthique médicale et des droits humains.

15.    Les médecins doivent clairement expliquer l’objectif du test du VIH, les raisons pour lesquelles il est recommandé et les implications d’un résultat positif.

Avant de pratiquer le test, le médecin devrait avoir un plan d’action en cas de résultat positif. Il convient d’obtenir le consentement éclairé du patient avant de pratiquer le test.

16.    Bien que certains groupes soient étiquetés « à haut risque », toute personne ayant des rapports sexuels non protégés devrait être considérée comme « à risque ».

Les médecins doivent de plus en plus prendre l’initiative de recommander un dépistage à leurs patients, sur la base d’une compréhension mutuelle du niveau du risque encouru et du bénéfice potentiel du test. Les femmes enceintes et leurs partenaires doivent se voir régulièrement proposés un test de dépistage du VIH et les femmes enceintes infectées par le VIH doivent recevoir immédiatement lors du diagnostic des conseils et une thérapie antirétrovirale afin de prévenir la transmission du virus au fœtus. Il convient qu’elle reçoive un traitement si le fœtus est séropositif.

17.    Les personnes qui le demandent doivent avoir accès au conseil et au dépistage anonyme et volontaire du VIH, qui doit s’accompagner de dispositifs de soutien ultérieurs appropriés.

 

PROTECTION CONTRE LE VIH DANS L’ENVIRONNEMENT MÉDICAL

18.    Les médecins et l’ensemble du personnel de santé ont droit à un environnement professionnel sûr. Dans les pays en voie de développement notamment, le problème de l’exposition professionnelle au VIH a entraîné une forte réduction du personnel de santé. Dans certains cas, les employés sont infectés par le VIH et dans d’autres, la peur de l’infection amène le personnel à quitter volontairement son emploi. La peur de l’infection parmi ce personnel peut aussi amener des soignants à refuser de traiter les patients porteurs du VIH/SIDA. De même, les patients ont le droit d’être protégés au maximum contre la transmission du VIH par les professionnels de santé et dans les établissements de soins.

18.1  Tous les établissements de santé doivent mettre en œuvre des procédures adaptées de maîtrise de l’infection et des précautions universelles, conformes aux normes nationales et internationales les plus courantes. Parmi ces procédures, il convient d’adopter des pratiques régissant l’utilisation en temps utile des antirétroviraux à des fins préventives pour tous les soignants qui ont été infectés par le VIH.

18.2  En l’absence de mesures de protection appropriées contre l’infection pour les médecins et les patients, il convient que les médecins et les associations médicales nationales agissent pour corriger la situation.

18.3  Les médecins infectés par le VIH ne sauraient exercer une activité qui présente un risque de transmission à d’autres personnes.

Dans le cadre d’une éventuelle exposition au VIH, le facteur déterminant sera l’activité que le médecin souhaite entreprendre.

Il pourrait y avoir des normes convenues au niveau national, mais pas si le risque doit être déterminé par un panel d’experts adapté ou par un comité de soignants. [BMA].

18.4  Dans le cadre de la délivrance de soins médicaux et en cas de risque de transmission d’une maladie infectieuse d’un médecin à un patient, il ne suffit pas de faire connaître le risque au patient : les patients sont en droit d’attendre que leurs médecins ne les exposent pas à un risque supérieur de contamination.

18.5  En l’absence de risque, il n’y a pas de raison que le médecin divulgue son état de santé à ses patients.

18.6  Les médecins doivent connaître les directives professionnelles actuelles relatives à la prophylaxie après exposition des professionnels de santé en cas d’exposition accidentelle au VIH.

 

PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE DU PATIENT ET QUESTIONS RELATIVES À L’ANNONCE D’UNE ÉVENTUELLE CONTAMINATION

19.    La crainte de la stigmatisation et de la discrimination est une cause sournoise de la propagation du VIH/SIDA. Les répercussions sociales et économiques liées au fait d’être identifié comme une personne infectée peuvent être dévastatrices et peuvent s’accompagner de violence, de rejet par la famille et les membres de la communauté, de la perte du domicile et de l’emploi, pour ne citer que quelques exemples.

La seule façon de réduire les attitudes et les pratiques discriminatoires est de sensibiliser la population jusqu’à rendre communément admise la présence du VIH/SIDA dans la société. En attendant qu’il en soit ainsi partout ou qu’une guérison soit possible, il est probable que les personnes potentiellement infectées refusent les tests pour éviter ces conséquences sociales.

Le fait que des personnes ne savent pas qu’elles sont porteuses du VIH/SIDA n’est pas seulement désastreux sur le plan personnel, du fait de ne pas recevoir de traitement, c’est aussi un facteur de transmission massive de la maladie qui pourrait être évitée. La peur que des informations soient divulguées sans autorisation n’incite pas non plus à participer à la recherche contre le VIH/SIDA et nuit généralement à l’efficacité des programmes de prévention. Le manque de confiance dans la protection des données personnelles de santé, et notamment l’état sérologique, menace la santé publique dans son ensemble et constitue l’une des causes principales de la propagation continue du VIH/SIDA. Parallèlement à cette préoccupation, il convient, dans certaines circonstances, de nuancer ce droit à la protection de la vie privée en tenant compte du droit du ou des partenaires (sexuels ou ayant utilisé le même matériel d’injection) de ces personnes atteintes du VIH/SIDA d’être informés de leur éventuelle infection.

20.    Tous les principes et les normes éthiques en matière de préservation de la confidentialité des informations personnelles de santé s’appliquent également dans le cadre de la lutte contre le VIH/SIDA, comme l’affirme la déclaration de Lisbonne de l’AMM sur les droits du patient. De plus, les associations médicales nationales et les médecins se doivent de prendre note des circonstances et des obligations spéciales (soulignées ci-dessous) inhérentes au traitement des patients atteints du VIH/SIDA.

20.1  Les associations médicales nationales et les médecins doivent prioritairement veiller à ce que la sensibilisation de la population sur le VIH/SIDA, la prévention et les programmes de conseil comportent des informations explicites en matière de protection des données relatives au patient, non seulement pour des questions d’éthique médicale mais aussi de droits à la protection de la vie privée.

20.2  Des mesures de protection particulières s’imposent lorsque les soins contre le VIH/SIDA impliquent une équipe géographiquement dispersée, comprenant des prestataires à domicile, des membres de la famille, des conseillers, des travailleurs sociaux ou toutes les autres personnes qui ont besoin d’informations médicales pour fournir des soins complets et pour aider au respect du traitement. Outre la mise en œuvre de mécanismes de protection relatifs à la transmission d’informations, il convient d’inculquer à tous les membres de l’équipe des notions de protection de la vie privée du patient.

De nombreux pays disposent d’une législation spécifique visant la protection de la vie privée des personnes séropositives. Il conviendrait que les autres pays envisagent de s’en inspirer.

20.3  Les médecins doivent s’efforcer de convaincre les patients atteints du VIH/SIDA de faire savoir à tous leurs partenaires (sexuels ou partageant leur matériel de prise de drogue) qu’ils ont été exposés et éventuellement infectés par le VIH. Les médecins doivent avoir les compétences pour conseiller les patients sur les différents moyens d’informer leurs partenaires. Ces possibilités devraient comprendre :

20.3.1    l’annonce au partenaire par le patient : le patient recevra dans ce cas des conseils relatifs aux informations qui doivent être communiquées au partenaire et aux manières de les communiquer, avec tact et de façon aisément compréhensible. Il convient également d’établir un calendrier d’annonce entre le patient et le médecin, afin que ce dernier s’assure que le partenaire a bien été averti ;

20.3.2    l’annonce au partenaire par un tiers : dans ce cas, le tiers doit s’efforcer de préserver l’identité du patient.

20.4  Lorsque toutes les stratégies pour convaincre le patient ont été épuisées sans succès et si le médecin connaît l’identité d’un ou de plusieurs partenaires du patient, il incombe au médecin, soit par obligation légale soit par obligation morale, de prévenir le ou les partenaires de leur possible infection. Selon le système en place, le médecin peut avertir directement la personne à risque ou signaler l’information à l’autorité compétente en la matière.

Les médecins doivent connaître les lois et règlementations applicables dans la juridiction dans laquelle ils exercent. Dans les cas où un médecin doit avertir une personne de son éventuelle exposition au virus, il doit :

20.4.1    informer le patient de son intention ;

20.4.2    dans la mesure du possible, s’assurer de protéger l’identité du patient ;

20.4.3    prendre les mesures qui s’imposent pour protéger le patient, notamment s’il s’agit d’une femme, qui peut subir des violences familiales.

20.5  Quelle que soit la personne qui transmet l’information – patient, médecin ou tiers – la personne apprenant son éventuelle infection devrait bénéficier de soutien et d’aide afin d’avoir accès au test de dépistage et au traitement.

20.6  Les associations médicales nationales devraient établir des directives pour aider les médecins à prendre une décision quant à la transmission des informations. Ces directives devraient aider les médecins à comprendre les obligations juridiques et les conséquences d’une décision d’annoncer une possible contamination, notamment les aspects médicaux, psychologiques, sociaux et éthiques.

20.7  Conformément à la législation locale et nationale, et aux directives imposant le signalement des infections par le VIH, des maladies sexuellement transmissibles et des infections opportunistes, les médecins doivent protéger la vie privée de tous les patients et appliquer les normes éthiques les plus strictes. [AMA]

20.8  Les associations médicales nationales devraient travailler avec les gouvernements afin de veiller à ce que les médecins remplissant leurs obligations éthiques d’alerte des individus à risque et prenant des précautions pour ne pas divulguer l’identité de leur patient, bénéficient d’une protection juridique.

 

ENSEIGNEMENT MÉDICAL

21.    Les associations médicales nationales devraient contribuer à assurer aux médecins une formation et un enseignement sur les stratégies de prévention et les traitements médicaux les plus récents disponibles à tous les stades du VIH/SIDA et les infections associées, y compris en matière de prévention et de soutien.

22.    Les associations médicales nationales devraient, s’il y a lieu, collaborer avec des ONG et des organisations communautaires et insister pour que les médecins soient formés aux dimensions psychologiques, juridiques, culturelles et sociales du VIH/SIDA, et si possible contribuer à leur formation.

23.    Les associations médicales nationales devraient soutenir activement les efforts des médecins qui souhaitent concentrer leurs compétences sur les soins aux patients atteints du VIH/SIDA même là où le VIH/SIDA n’est pas reconnu comme une spécialité ou une sous-spécialité officielle dans le système d’enseignement de la médecine.

24.    L’AMM encourage les associations médicales nationales à promouvoir l’intégration de cours complets sur le VIH/SIDA dans les programmes de médecine universitaires et postuniversitaires ainsi que dans le cadre de la formation continue.

 

INTÉGRATION DE SERVICES RELATIFS AU VIH/SIDA À DES ACTIVITÉS DE GESTION D’AUTRES MST

25.    Les associations médicales nationales devraient encourager les gouvernements dont elles dépendent respectivement à intégrer des services préventifs et thérapeutiques exhaustifs pour le VIH/SIDA aux activités de gestion des autres maladies sexuellement transmissibles (MST).

Prise de position
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