Archivé: Prise de Position de l’AMM sur le Don et la Transplantation d’Organes Humains


Adoptée par la 52e Assemblée générale de l’AMM Edimbourg, Écosse, Octobre 2000
et révisée par la 57e Assemblée générale de l’AMM, Pilanesberg, Afrique du Sud, Octobre 2006
et supprimeée par la 65e Assemblée générale de l’AMM, Durban, Afrique du Sud, Octobre 2014

  1. Introduction

    1. Les progrès des sciences médicales, notamment des techniques chirurgicales, du typage tissulaire et des médicaments immunosuppresseurs, ont permis d’accroître considérablement le taux de réussite des transplantations d’organes. A la lumière de cette évolution, il est nécessaire de reprendre la réflexion sur les problèmes éthiques que posent le don et la transplantation d’organes et sur les principes qui permettraient de les résoudre. L’Association Médicale Mondiale a étudié ces problèmes et ces principes et élaboré cette politique dans lequel médecins, associations médicales et autres prestataires de soins ainsi que toute personne chargée d’établir des politiques et des protocoles sur ce sujet pourront trouver une ligne de conduite.
    2. Cette politique s’appuie sur des principes d’éthique générale et médicale. En matière d’éthique, les différences de valeurs et de principes sont inévitables. Il existe, par exemple, un conflit entre le désir d’obtenir des organes dans le but de dispenser un traitement médical important, d’une part, et le respect du choix et de la liberté personnelle, d’autre part. Les principes énoncés dans cette politique peuvent aider à clarifier ou comprendre la pensée qui sous-tend une déclaration donnée.
  2. Obligations professionnelles des médecins

    1. La première obligation des médecins est celle qu’ils ont envers leurs patients, qu’ils soient ou pas donneurs ou receveurs potentiels d’organes. En corrélation avec cette obligation, les médecins peuvent également porter une responsabilité vis-à-vis de la famille et des amis proches des patients, notamment avoir à leur demander et à tenir compte de leur point de vue sur le prélèvement d’organes d’un parent ou ami décédé. Les obligations envers le patient devront néanmoins prévaloir sur toute obligation éventuelle envers les membres de sa famille. Cette obligation n’est cependant pas absolue. Ainsi, par exemple, la responsabilité du médecin envers le bien-être d’un patient qui nécessite une transplantation ne justifie pas l’obtention illégale ou contraire à l’éthique d’organes ou de tissus.
    2. Les médecins ont des responsabilités envers la société, notamment de promouvoir une juste utilisation des ressources, de prévenir le mal et de promouvoir la santé pour tous, et aussi parfois, d’encourager le don d’organes.
    3. Les chirurgiens qui effectuent les transplantations doivent s’assurer que les organes qu’ils transplantent sont obtenus dans le respect des règles énoncées dans la présente déclaration et doivent s’abstenir de transplanter des organes qu’ils savent ou suspectent de ne pas avoir été obtenus d’une manière légale et éthique.
  3. Obtention d’organes: aspects sociaux

    1. L’AMM exhorte tous ses membres à soutenir, en consultation et en coopération avec toutes les parties concernées, le développement de stratégies nationales globales et coordonnées relatives à l’obtention d’organes. Ils devront, ce faisant, prêter une attention particulière aux droits de l’homme, aux principes éthiques et à l’éthique médicale. Il importe par ailleurs que les solutions aux questions éthiques, culturelles et sociales soulevées par l’élaboration de ces stratégies et la question du don et de la transplantation en général, soient élaborées, dans la mesure du possible, au cours d’un processus ouvert impliquant le dialogue et des débats publics sur la base de preuves irréfutables.
    2. Certains types de transplantations d’organes font désormais partie des soins de santé importants et reconnus. Dans la mesure où la pénurie d’organes entrave la délivrance des traitements nécessaires, la profession médicale a le devoir de promouvoir des politiques et des protocoles conformes aux valeurs de la société afin d’obtenir des organes pour les traitements jugés nécessaires.
    3. Il est important que chacun soit informé de la possibilité d’effectuer un don et puisse éventuellement choisir d’être donneur ou non (choix facilité, par exemple). Cette prise de conscience et ce choix devraient être facilités par une approche diversifiée et coordonnée reposant sur une variété de moyens et de coparticipants, y compris une sensibilisation des media et des campagnes publiques. Les médecins doivent donner à leurs patients la possibilité de faire leur choix en matière de don d’organes, l’idéal étant de le faire dans le cadre d’une relation suivie et avant qu’une crise ne donne à ce choix un caractère d’urgence.
    4. L’AMM est favorable au principe du choix éclairé du donneur. Les Associations Médicales Nationales des pays ayant adopté ou envisageant l’adoption du principe de « consentement présumé », selon lequel on présume, sauf preuve contraire, que le consentement a été donné, ou celui du « choix mandaté « , selon lequel chacun devrait déclarer son souhait de donner ses organes, doivent faire tout leur possible pour s’assurer que ces directives ne restreignent pas le choix éclairé des donneurs, y compris leur droit de refuser d’être donneur.
    5. Il faudrait envisager la création de registres nationaux de donneurs permettant d’établir et d’actualiser la liste des citoyens ayant choisi de faire ou non un don de leurs organes. Ces registres devront protéger la vie privée et la possibilité de chacun de contrôler la collecte, l’utilisation, la divulgation et l’accès à ses données médicales à des fins autres que l’inscription aux registres. Il faudra veiller à ce que la décision soit suffisamment éclairée et que les personnes inscrites puissent retirer leur nom de la liste sans pénalités.
  4. Obtention d’organes au plan individuel et institutionnel

    1. Le don d’organes peut être favorisé par des politiques et des protocoles régionaux. L’AMM recommande que les programmes d’obtention d’organes, les hôpitaux et les autres institutions recevant des organes aient les obligations suivantes :
      1. élaborer des politiques et des protocoles encourageant l’obtention d’organes dans le respect des principes énoncés dans cette politique. De telles politiques doivent être conformes aux obligations professionnelles des médecins et aux valeurs de la société, y compris la prise de décision libre et informée, la confidentialité et l’accès équitables aux soins médicaux nécessaires.
      2. faire connaître ces politiques et protocoles aux personnes chargées de coordonner les transplantations, aux médecins et autres prestataires de soins de santé dans l’établissement.
      3. assurer la mise à disposition de ressources suffisantes afin que ces politiques et protocoles puissent être appliqués correctement.
  5. Don après décès

    1. Les médecins doivent veiller à ce que les contacts au chevet des patients, notamment les discussions concernant le don d’organes, soient respectueux et conformes aux principes éthiques et leurs obligations vis-à-vis de la confiance que leur témoignent leurs patients. Cela est d’autant plus important que le contexte du patient mourant ne saurait offrir des conditions idéales à une prise de décision libre et éclairée. Les protocoles devront préciser que toute personne engageant avec le patient, sa famille ou tout autre représentant désigné, des discussions sur le don d’organes, doit posséder à la fois connaissances, compétences et sensibilité. Les étudiants en médecine et les médecins en exercice devraient s’efforcer d’acquérir la formation nécessaire à l’accomplissement de cette tâche et les autorités compétentes devraient fournir les ressources nécessaires pour garantir cette formation. Il est indispensable que la personne qui approche le patient ou la famille au sujet d’une décision de don ne fasse pas partie de l’équipe chargée de la transplantation.
  6. Prise de décision libre et éclairée concernant le don d’organes

    1. L’AMM estime que la volonté du donneur potentiel est primordiale. Lorsque le souhait du donneur potentiel est inconnu et que ce donneur est décédé sans exprimer un souhait précis en matière de don, la famille ou une autre personne désignée pourra se substituer à lui et aura le droit de donner ou de refuser la permission le don, à moins que des souhaits contraires aient été préalablement exprimés.
    2. La preuve de la décision libre et éclairée du donneur potentiel ou, lorsque la loi le permet, de son représentant légal doit être établie avant de commencer la procédure d’obtention d’organes. Dans les pays où le consentement présumé est la norme légale, le processus d’obtention d’un organe doit être assorti de mesures raisonnables afin de savoir si le donneur potentiel avait opté pour le don.
    3. Le fait d’avoir obtenu des organes à des fins de transplantation ne doit pas servir de critère pour évaluer la qualité du processus de décision libre et informé. La qualité de la procédure d’obtention repose sur un choix bien éclairé et libre de toute pression et non pas sur le fait que l’on ait abouti au don.
    4. La décision libre et éclairée est une procédure nécessitant l’échange et la compréhension d’informations ainsi que l’absence de coercition. Parce que les prisonniers et les autres détenus ne sont pas en mesure de donner librement leur consentement et qu’ils peuvent être l’objet de coercitions, leurs organes ne doivent pas utilisés à des fins de transplantation, sauf si ces derniers sont destinés à des membres de leur famille proche.
    5. Afin que le choix de donner des organes soit dûment éclairé, les donneurs potentiels ou leurs représentants légaux doivent bénéficier s’ils le souhaitent, d’informations pertinentes. Normalement, ces informations doivent porter sur les points suivants :
      1. dans le cas de donneurs en vie, les avantages et les risques de la transplantation,
      2. dans le cas de donneurs décédés, les procédures et les définitions liées à la constatation du décès,
      3. le contrôle des organes, afin de s’assurer qu’ils sont propres à la transplantation. On peut éventuellement découvrir des risques insoupçonnés pour la santé des donneurs potentiels et de leurs familles,
      4. dans le cas de donneurs décédés, les mesures éventuellement nécessaires pour maintenir le fonctionnement des organes jusqu’à la constatation du décès et la transplantation,
      5. les organes qu’ils ont accepté de donner,
      6. le protocole qui sera suivi concernant la famille dans le cas où elle s’opposerait au don et,
      7. dans le cas de donneurs en vie, les implications sur le fait de vivre sans l’organe donné.
    6. Les donneurs potentiels doivent être informés que les familles s’opposent parfois au don ; les donneurs doivent être invités à discuter de leur choix avec leur famille afin d’éviter tout conflit.
    7. Les donneurs potentiels ou leurs représentants légaux doivent pouvoir poser des questions concernant le don et obtenir des réponses empreintes de tact et compréhensibles.
    8. Lorsque la volonté du patient est connue et qu’il n’y a pas de raison de croire que le choix du don a été effectué contre son gré, qu’il n’a pas été suffisamment éclairé ou qu’il a changé, il conviendra de le respecter. Cette mesure devra être précisée dans la législation, les directives et les protocoles. Il importe, en pareil cas, d’encourager les familles à respecter les désirs clairement exprimés par le patient.
    9. Lorsque le souhait du patient est inconnu ou qu’il n’est pas clair, la législation nationale devra prévaloir.
    10. Les protocoles relatifs à la décision libre et éclairée doivent également s’appliquer aux receveurs d’organes. Ils doivent normalement contenir des informations sur :
      1. les risques de procédure
      2. les chances de survie, à court, à moyen et long terme, la morbidité et les perspectives en matière de qualité de vie
      3. les alternatives possibles à la transplantation
      4. le mode d’obtention des organes
    11. Dans le cas des donneurs en vie, il importe de s’assurer que le choix du don est libre de toute contrainte. Les incitations financières pour l’obtention d’organes à des fins de transplantation peuvent être coercitives et doivent être interdites. Les personnes incapables de prendre des décisions éclairées, par exemple les mineurs ou les personnes frappées d’incapacité mentale, ne devraient pas être considérées comme des donneurs potentiels, sauf dans des situations tout à fait particulières et conformément aux rapports des comités d’éthique ou aux protocoles établis. Afin d’éviter tout conflit d’intérêt, le médecin qui obtient le consentement éclairé du donneur vivant ne doit pas faire partie de l’équipe chargée de la transplantation.
  7. Constatation du décès

    1. L’AMM estime que la constatation du décès est une question clinique qui doit respecter les directives largement acceptées et établies par des groupes d’experts médicaux et comme stipulée dans la Déclaration de Sydney sur la constatation de la mort et la collecte d’organes de l’Association médicale mondiale.
    2. Il importe d’élaborer des protocoles et des procédures afin d’informer les patients et les familles sur les procédures de diagnostic du décès et des possibilités de don après le décès.
    3. Afin d’éviter tout conflit d’intérêt, le médecin qui constate et/ou certifie le décès du donneur potentiel d’organe ne soit pas impliqué dans le processus du prélèvement ou de transplantation consécutive ou être responsable des soins des receveurs potentiels.
  8. Egalité d’accès aux organes et aux tissus

    1. L’AMM estime qu’il doit exister des politiques explicites accessibles au public, régissant tous les aspects du don et de la transplantation d’organes, y compris la gestion des listes d’attente d’organes afin d’assurer un accès juste et approprié.
    2. Les politiques gouvernant la gestion des listes d’attente doivent assurer efficacité et équité. L’allocation d’organes et de tissus doit tenir compte de l’importance du besoin médical, de la durée d’attente sur la liste, les chances de succès en fonction notamment du type de maladie, des complications et de l’histocompatibilité. Aucune discrimination ne doit avoir lieu sur la base du statut social, du style de vie ou du comportement.
    3. Les appels au don d’organes à l’intention d’un receveur spécifique doivent encore être analysés et étudiés sur le plan éthique afin d’estimer l’impact possible sur l’équité des allocations.
    4. Le paiement pour des organes donnés à des fins de transplantations doit être interdit. L’incitation financière compromet la liberté de choix et le désintéressement sur lequel se fonde le don. De plus, l’accès au traitement médical nécessaire basé sur la solvabilité est contraire au principe de justice. Les organes susceptibles d’avoir été l’objet de transactions commerciales ne doivent pas être acceptés à des fins de transplantation. Par ailleurs, la publicité en faveur du don d’organes avec une contrepartie financière doit être interdite. Cependant, le remboursement raisonnable des dépenses engagées, notamment pour l’obtention, le transport, le traitement, la conservation et l’implantation des organes est acceptable.
    5. Les médecins auxquels on demande de transplanter un organe obtenu par une transaction commerciale doivent refuser de le faire et doivent expliquer au patient pourquoi un tel acte médical serait contraire à l’éthique: parce que la personne qui a fourni l’organe a mis en péril sa vie pour des raisons financières et non altruistes et parce que de telles transactions sont contraires au principe de justice en matière d’allocation d’organes destinés à des transplantations.
  9. Nouvelles méthodes de transplantation et méthodes expérimentales

    1. L’AMM estime que même si de nombreuses méthodes de transplantation sont aujourd’hui couramment utilisées dans le traitement médical de toute une série de pathologies, d’autres sont encore expérimentales et/ou sont, sur le plan moral, l’objet de controverses et nécessitent de plus amples recherches, des précautions, des directives et un débat public.
    2. Les méthodes expérimentales nécessitent des protocoles, y compris une étude éthique, qui sont différents et plus rigoureux que ceux applicables aux actes médicaux classiques.
    3. La xénotransplantation soulève des questions spécifiques, notamment au regard du risque de transmission non intentionnelle de virus et autres agents pathogènes qu’engendre le croisement des espèces. Il est urgent d’élargir le débat public sur la xénotransplantation afin de s’assurer que les progrès réalisés dans ce domaine sont en accord avec les valeurs de la société. Il importe que des recommandations internationales régissant ces pratiques soient élaborées.
    4. Les transplantations d’organes conçues à l’aide de technologies de substitution des cellules nucléaires nécessitent des études scientifiques, un débat public et des directives appropriées avant d’être avalisées.

14.10.2006

Prise de position
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