Archivé: Prise de Position de l’AMM concernant la Réduction de l’Impact de l’Alcoolisme sur la Santé et la Société dans le monde


Adoptée par la 56e Assemblée générale de l’AMM, Santiago 2005
Et supprimée par la 68e Assemblée générale de l’AMM, Chicago, USA, 2017

Préambule

  1. La consommation d’alcool est solidement enracinée dans beaucoup de sociétés. En général, 4% de l’ensemble des maladies sont imputables à l’alcoolisme, ce qui représente à l’échelle mondiale un nombre de décès et d’invalidités a peu près égal à celui du tabagisme ou de l’hypertension. Il existe généralement un rapport de causalité entre la consommation d’alcool et plus de 60 types de maladies et d’accidents, y compris les accidents de la route. La consommation d’alcool est le premier facteur de risque de maladies dans les pays en développement à faible mortalité et le troisième dans les pays développés. Outre les nombreux effets chroniques et dommageables pour la santé, la consommation d’alcool a de vastes conséquences sociales, mentales et psychologiques. Le nombre de cas de morbidité et de mortalité liés à la consommation d’alcool dans le monde est considérable.
  2. Les problèmes liés à la consommation d’alcool procèdent d’une interaction complexe entre la consommation individuelle de boissons alcoolisées et le milieu culturel, économique, physique, politique et social environnant.
  3. L’alcool ne peut être considéré comme une boisson ou produit de consommation ordinaire étant donné qu’il provoque des préjudices médicaux, psychologiques et sociaux importants par la toxicité, l’intoxication et l’indépendance physique. Il est de plus en plus manifeste que la vulnérabilité génétique à l’alcool est un facteur de risque pour certaines personnes. Le syndrome de l’alcool fœtal et les effets de l’alcool sur le fœtus, causes évitables de débilité mentale, peuvent être dus à une consommation d’alcool pendant la grossesse. Un nombre croissant de preuves scientifiques fait apparaître les effets préjudiciables de la consommation d’alcool avant l’âge adulte sur les fonctions cérébrales, mentales, comportementales et sociales des jeunes et la probabilité accrue de dépendance à l’alcool et de problèmes liés à l’alcool parmi les personnes qui s’adonnent à la boisson avant la maturité physiologique. Une consommation régulière et une surconsommation d’alcool chez les adolescents peuvent nuire aux performances scolaires, augmenter la criminalité et porter atteinte aux performances et au comportement sexuels.
  4. La publicité et la promotion de l’alcool se développent rapidement partout dans le monde et leurs cibles sont l’objet de recherche et d’attention accrues, y compris au niveau de la jeunesse. Elles ont pour objectif d’attirer, d’influencer et de gagner de nouvelles générations de buveurs potentiels en dépit des codes d’autorégulation commerciale qui sont largement ignorés et souvent pas appliqués.
  5. Une politique sociale appropriée doit permettre de mettre en place des mesures qui contrôlent l’approvisionnement de l’alcool et/ou qui concernent la demande de boissons alcoolisées d’une large part de la population. Des politiques générales énonceront des mesures juridiques pour contrôler l’offre et la demande, contrôler l’accès à l’alcool (selon l’âge, le lieu et l’heure), éduquer le public et fournir un traitement à ceux qui ont besoin d’aide, imposer des taxes sur les prix et régler les problèmes générés par la consommation d’alcool et les stratégies de réduction de préjudices destinées à limiter les problèmes liés à l’alcool, comme la conduite en état d’ivresse ou la violence domestique.
  6. Les problèmes d’alcool sont en étroite corrélation avec la consommation par habitant de sorte qu’une réduction de la consommation peut provoquer une diminution des problèmes d’alcool. Etant donné que l’alcool est un produit commercial, les ventes de boissons alcoolisées sont sensibles aux prix pratiqués, c’est-à-dire que la demande diminue lorsque les prix augmentent, et vice versa. Les prix peuvent subir l’influence des taxes et des pénalisations infligées pour ventes et activités promotionnelles inappropriées. Ces mesures ont même des effets sur les gros buveurs et sont particulièrement efficaces chez les jeunes.
  7. Les gros buveurs et les personnes ayant des problèmes liés à l’alcool ou à la dépendance à l’alcool sont à l’origine de la plupart des problèmes résultant de la consommation d’alcool. Cependant, dans la plupart des pays, la majorité des problèmes liés à l’alcool dans une population sont liés aux boissons nuisibles ou dangereuses que prennent des buveurs « mondains » non dépendants, notamment lorsqu’ils sont intoxiqués. C’est surtout un problème rencontré parmi les jeunes dans de nombreuses régions du monde qui boivent avec pour objectif de s’intoxiquer.
  8. Bien que la recherche ait observé que les taux de consommation d’alcool peu élevés dans certaines populations avaient des effets positifs limités sur la santé, il importe de mettre ces résultats en balance avec les préjudices potentiels liés à la consommation d’alcool dans ces mêmes populations ainsi que dans l’ensemble de la population.
  9. Ainsi, les approches, établies sur la base d’une population, qui ont un effet sur l’environnement social de la boisson et la disponibilité des boissons alcoolisées sont plus efficaces que les approches individuelles (comme l’éducation) pour prévenir les problèmes et les maladies liés à l’alcool. Il apparaît que les politiques sur l’alcoolisme qui modifient les habitudes de consommation d’alcool en imposant des limitations d’accès et en décourageant les jeunes gens de boire, notamment en fixant un âge légal minimum d’achat de boissons, sont particulièrement susceptibles de réduire les préjudices. Les lois promulguées dans le but de réduire le taux minimal d’alcoolémie pour les conducteurs et de contrôler le nombre de points de vente ont été efficaces pour diminuer les problèmes d’alcool.
  10. Ces dernières années, les restrictions imposées à la production, la commercialisation de masse et les habitudes de consommation d’alcool ont quelque peu perdu de leur poids, ce qui a eu pour effet de d’accroître la disponibilité et l’accès aux boissons alcoolisées et de modifier les modes de consommation d’alcool dans le monde. Il en est résulté un problème de santé mondiale qui demande l’intervention urgente des gouvernements, des citoyens, des médecins et des services de santé.

Recommandations

L’AMM invite instamment les associations médicales nationales et les médecins à prendre les mesures suivantes pour réduire l’impact de l’alcoolisme sur la santé et la société:

  1. Recommander des politiques nationales globales qui
    1. prévoient des mesures pour éduquer le public sur les dangers d’une consommation d’alcool inconsidérée et malsaine (par des quantités dangereuses sous l’effet de la dépendance), y compris mais sans s’y limiter, de programmes pédagogiques ciblant la jeunesse;
    2. établir des dispositions législatives qui donnent la primauté au traitement ou prévoient des sanctions légales éprouvées qui dissuadent les personnes qui mettent les autres ou elles-mêmes en danger et
    3. mettre en place un système d’aide réglementaire, voire environnemental, qui encourage la santé de la population dans son ensemble.
  2. 12 Promouvoir les politiques nationales et régionales élaborées sur la base des « meilleures mesures » appliquées par les pays développés qui, sous réserve de modifications appropriées, peuvent aussi s’avérer efficaces dans les pays en développement. Il s’agit notamment de l’établissement d’un âge légal minimum d’achat, des politiques de ventes restrictives, de la limitation d’heures ou de jours de vente et du nombre de lieux de vente, de l’augmentation des taxes sur l’alcool et de la mise en place de mesures défensives efficaces sur la conduite en état d’ivresse (comme l’abaissement du taux minimal d’alcoolémie, l’application active des mesures de sécurité routière, l’alcootest inopiné et les interventions juridiques et médicales pour les conducteurs en état d’ébriété récidivistes).
  3. Connaître et contre attaquer les stratégies de contrôle de l’alcool non basées sur la preuve promues par l’industrie de l’alcool ou ses organisations à caractère social.
  4. Limiter la promotion, la publicité et la provision d’alcool pour les jeunes gens afin de réduire les pressions sociales dont ils peuvent faire l’objet pour consommer de l’alcool et soutenir la création d’un système de contrôle indépendant qui garantit le respect des règles publicitaires sur l’alcool, en matière de contenu et de présentation, énoncées dans les codes d’autorégulation du commerce de l’alcool.
  5. Collaborer avec les associations médicales nationales et régionales, les organisations de spécialités médicales, les groupes sociaux, religieux et économiques (y compris les organisations gouvernementales, scientifiques, professionnelles, non gouvernementales et bénévoles, le secteur privé et le secteur public) pour
    1. réduire la consommation d’alcool préjudiciable, notamment chez les jeunes, les femmes enceintes, sur le lieu de travail et au volant
    2. augmenter pour chacun les possibilités de consommer de l’alcool sans subir de contrainte et sans être soumis aux effets préjudiciables et malsains de l’alcoolisme des autres personnes et
    3. promouvoir les stratégies préventives éprouvées dans les écoles.
  6. A faire
    1. Dépister les patients présentant des troubles liés à la consommation d’alcool et des risques d’alcoolisme ou organiser la mise en place de tests de dépistage systématique par du personnel qualifié; utilisant des outils de dépistage ayant fait leurs preuves et utilisables dans la pratique clinique;
    2. Promouvoir le dépistage automatique/de masse au moyen de questionnaires permettant de sélectionner les patients qui ont besoin de consulter un fournisseur de soins pour évaluation;
    3. prévoir de brèves interventions pour motiver les buveurs à hauts risques à modérer leur consommation;
    4. assurer un traitement spécialisé, comprenant l’utilisation de produits pharmaceutiques basés sur la preuve, et une rééducation aux intoxiqués et une assistance à leurs familles.
  7. Encourager les médecins à faciliter la collection de données épidémiologiques et sanitaires sur l’impact de l’alcool.
  8. Promouvoir le développement d’une convention-cadre sur le contrôle de l’alcoolisme analogue à celle de l’OMS sur le contrôle du tabagisme, entrée en vigueur le 27 février 2005.
  9. De plus, afin de garantir les mesures de contrôle de l’alcoolisme actuelles et futures, recommander que l’alcool soit considéré comme un produit extraordinaire et que les mesures qui concernent la demande, la distribution, la vente, la promotion ou l’investissement dans les boissons alcoolisées, soient exclues des accords commerciaux internationaux.
Prise de position
Alcoolisme, Santé publique