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D-2002-01-2012 ⏐L’Association Médicale Mondiale
Manuel des Politiques de l’AMM
DÉCLARATION DE WASHINGTON DE L’AMM
SUR
LES ARMES BIOLOGIQUES
Adopté par la 53e
Assemblée générale de l’AMM, Washington DC, Etats Unis, Octobre 2002
et revisée par la 164e
Session du Conseil, Divonne les Bains, France, Mai 2003
et réaffirmée par la 191e
Session du Conseil, Prague, République Tchèque, Avril 2012
A. INTRODUCTION
1. L’Association Médicale Mondiale reconnaît la menace grandissante que consti-
tuerait l’emploi d’armes biologiques capables de propager des épidémies dévasta-
trices à l’échelle planétaire. Aucun pays n’est à l’abri de cette menace. La propaga-
tion des organismes pathogènes de la variole, de la peste, de l’anthrax et autres
maladies épidémiques se traduirait par une incidence catastrophique de maladies
et de décès, aggravée par une inévitable panique. Par ailleurs, le perfectionnement
des connaissances biotechnologiques et la simplification de la technique de la
manipulation génétique augmentent la capacité de production de nouveaux agents
pathogènes. Cette évolution doit particulièrement préoccuper les médecins et les
professionnels de santé publique car ils connaissent mieux que quiconque les
souffrances que causent ces épidémies et ce sont eux qui interviennent en pre-
mière ligne auprès des victimes. L’Association Médicale Mondiale considère
donc que les associations de médecins et tous les responsables des soins de santé
ont la responsabilité d’informer le public et les responsables politiques sur les
dangers des armes biologiques. Il leur appartient aussi, pour des raisons morales
et éthiques, de mobiliser une opposition universelle à toute recherche, tout dé-
veloppement et tout emploi d’ armes de ce type.
2. Contrairement aux armes nucléaires, chimiques et conventionnelles, les attaques
biologiques ont des effets insidieux. Elles peuvent agir pendant des semaines ou
des mois après la déclaration de l’épidémie par la transmission secondaire, voire
tertiaire, de l’agent pathogène. Si elle est réussie, et si les conditions de propaga-
tion sont favorables, l’attaque biologique peut avoir des conséquences beaucoup
plus graves que celles d’un événement chimique ou même nucléaire. Avec la
mondialisation croissante et la banalisation des voyages, le déclenchement d’une
épidémie en un point quelconque du globe ferait peser un risque sur tous les
autres pays.
3. Une accumulation soudaine de cas graves et aigus ne manquerait pas de sub-
merger les systèmes de santé, aussi bien dans les pays en développement que
dans les pays industrialisés. Partout dans le monde, les services de santé sont
dépassés par les besoins nouveaux créés par le VIH/Sida et par les organismes
résistants aux agents antimicrobiens, par les problèmes engendrés par les guerres
civiles, par les afflux de réfugiés, par l’insalubrité de l’environnement urbain et
par les besoins accrus de populations vieillissantes. Un brusque afflux de cas
désespérés pourrait faire sombrer des systèmes de santé dans leur totalité.
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Armes Biologiques (Washington)
4. Des mesures peuvent être prises pour réduire les risques liés à l’emploi d’armes
biologiques et pour limiter les effets néfastes des épidémies graves, quelle que
soit leur origine. Une collaboration internationale est indispensable pour cons-
truire une condamnation universelle de l’élaboration, de la fabrication et de l’emploi
d’armes biologiques. Tous les pays doivent se doter de programmes de contrôle
afin de dépister, d’identifier et d’endiguer ces épidémies majeures; de programmes
de formation pour les professionnels de santé, pour les leaders d’opinion et pour
le public; de programmes de recherche communs pour améliorer le diagnostic, la
prévention et le traitement.
5. Les avancées technologiques et les progrès de la biochimie, de la biotechnologie
et des sciences de la vie permettent de créer de nouveaux agents, de nouvelles
maladies et de simplifier la fabrication des armes biologiques. Les moyens tech-
niques sont relativement peu coûteux. La fabrication de ces agents pathogènes
étant semblable à celle des vaccins, elle est d’accès facile dans les laboratoires
biologiques. Ces armes biologiques peuvent donc être fabriquées et diffusées par
n’importe quel pays, permettant ainsi à des extrémistes, agissant seuls ou col-
lectivement, de menacer des gouvernements et de mettre en danger la vie de
populations entières. Des mesures de non prolifération et de contrôle peuvent
réduire, sans l’éliminer totalement, la menace que présentent les armes bio-
logiques. Il donc indispensable d’ériger en principe universel le rejet de toute
fabrication et de toute utilisation d’armes biologiques.
B. RENFORCEMENT DES SYSTEMES DE SANTE PUBLIQUE ET DE CONTROLE DES MALADIES
1. Pour faire face aux épidémies, il importe d’abord de se doter d’une infrastructure
sanitaire forte. Les investissements de santé publique permettront de mieux dé-
pister et d’endiguer à temps l’apparition soudaine de maladies rares, qu’elles
soient d’origine intentionnelle ou naturelle. Les fonctions de base (veille épidé-
miologique et services de laboratoire correspondants) sont le fondement même du
dépistage, de la recherche et de la réponse à toute menace d’épidémie. Une effi-
cacité accrue des programmes de veille mondiaux permettra à la fois de mieux
répondre à l’apparition naturelle de maladies infectieuses et de dépister et décrire
plus précocement les maladies nouvelles ou émergentes.
2. Les médecins doivent être particulièrement vigilants à l’apparition de ces cas, qu’ils
soient isolés ou répétés afin de faire intervenir des spécialistes du diag-nostic de
ces affections et de les signaler promptement aux autorités. La coopéra-tion entre
les médecins de santé primaire et les autorités de santé publique est ici d’autant
plus importante que le médecin qui ne voit qu’un ou plusieurs cas peut ne pas
s’apercevoir qu’il s’agit d’une poussée épidémique.
3. Les autorités de santé publique, confrontées à une épidémie, auront besoin de la
coopération des centres de soins d’urgence, des responsables de l’ordre public, des
services de santé et d’une multitude d’organisations au service de la collectivité.
Pour que ces différents groupes puissent coopérer de manière efficace, une
planification préalable est essentielle. Au-delà des activités de veille à des fins de
dépistage et de signalement précoces, les autorités de santé publique veilleront à
ce que le personnel de santé primaire et de santé publique sache reconnaître les
agents pathogènes en cause, à se doter de laboratoires capables de les identifier
rapidement, à fournir les services médicaux et hospitaliers nécessaires ainsi que
les vaccins et les médicaments permettant de maîtriser l’épidémie.
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C. ALERTE PREVENTIVE ET MOYENS D’INTERVENTION
1. Le premier signe permettant de supposer la dissémination d’une arme biologique
sera probablement la présence de patients dans les cabinets de consultation, en
particulier dans les centres de soins d’urgence. Le médecin, qui est en première
ligne du dépistage précoce d’une épidémie, doit être préparé à reconnaître et à
traiter les maladies résultant de l’utilisation d’armes biologiques ainsi que tout
autre agent infectieux. Il signalera sans tarder tous les cas suspects aux autorités
sanitaires.
2. En cas d’épidémie, le médecin est impliqué dans une médecine de masse, des
programmes de vaccination et de traitements préventifs aux antibiotiques de
masse; il participe à l’information du public et aux efforts déployés par les col-
lectivités publiques et hospitalières pour enrayer le fléau. Le médecin doit donc
participer avec les autorités de santé nationale et locale à l’élaboration et à la mise
en oeuvre de plans d’alerte et d’intervention pour parer à ces événements naturels
ou malveillants.
D. DEVELOPPEMENT DES ARMES BIOLOGIQUES ET ETHIQUE MEDICALE
1. Les progrès rapides de la microbiologie, de la biologie moléculaire et du génie
génétique offrent un champ d’action sans précédent à la recherche biomédicale et
aux possibilités d’améliorer la santé et la qualité de vie des êtres humains. Des
outils de diagnostic plus précis et plus rapides, de nouveaux vaccins et de
nouveaux médicaments vont être développés, mais il faut aussi envisager un
détournement éventuel de cette recherche vers la mise au point d’armes bio-
logiques plus puissantes et la propagation de nouvelles maladies infectieuses. Il
est malaisé de définir la frontière entre la recherche biomédicale légitime et les
travaux de chercheurs sans scrupules dont le seul but est de créer des armes
biologiques plus létales.
2. Tous les participants à l’investigation biomédicale ont l’obligation morale et
éthique d’envisager que le résultat de ses travaux pourrait être exploité à des fins
malveillantes. Délibérément ou par inadvertance, la modification génétique de
certains microorganismes pourrait engendrer de nouveaux organismes plus
virulents, résistants aux antibiotiques ou plus stables dans l’environnement. La
manipulation de ces microorganismes peut modifier leur immunogénicité, leur
permettant ainsi de briser les barrières immunitaires naturelles ou induites par la
vaccinothérapie. Le progrès du génie génétique et de la thérapie génique pourrait
permettre de modifier le système de réponse immunitaire de la population cible
de façon à augmenter ou réduire sa susceptibilité à un pathogène ou à entraver le
fonctionnement des gènes hôtes normaux.
3. Toute recherche visant spécifiquement à créer des armes biologiques doit être
condamnée. En tant que scientifique et humaniste, le médecin a la responsabilité
devant la société de condamner l’usage de la recherche scientifique à ces fins. Il
se doit d’exprimer son rejet du recours à la biotechnologie et aux technologies de
l’information à des fins nuisibles.
4. Les médecins et leurs organisations représentatives ont un rôle social important à
jouer en exigeant l’interdiction universelle des armes biologiques, en condamnant
leur emploi, en réprouvant toute recherche illicite et contraire à l’éthique et en
soignant les victimes civiles des armes biologiques.
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E. RECOMMANDATIONS
1. Que l’Association Médicale Mondiale et les associations médicales nationales du
monde entier s’engagent activement dans la promotion d’une éthique interna-
tionale qui condamne le développement, la production et l’emploi d’agents bio-
logiques et de toxines pour lesquels n’existent aucune justification prophylactique
ou préventive et qui ne sont pas motivés par des motifs pacifiques.
2. Que l’Association Médicale Mondiale, les associations médicales nationales et les
travailleurs de santé du monde entier soutiennent, de concert avec l’Organisation
mondiale de la Santé, les Nations Unies et les autres organismes compétents, la
mise en place d’un consortium international de responsables de la médecine et de
la santé publique afin de contrôler la menace que posent les armes biologiques,
d’élaborer une riposte à leur prolifération et de dresser un plan de veille mondial
contre les maladies infectieuses. Le plan portera sur les aspects suivants: (a) des
systèmes internationaux de dépistage et de signalement permettant de perfec-
tionner les mesures universelles de contrôle et de prévention des épidémies; (b) le
développement d’un protocole de vérification efficace dans le cadre de la Con-
vention de l’ONU sur l’interdiction des armes biologiques et à toxines; (c)
l’information des médecins et des travailleurs de santé publique sur les nouvelles
maladies infectieuses et les nouvelles armes biologiques; (d) la capacité des
laboratoires à diagnostiquer les agents pathogènes biologiques; (e) les réserves de
vaccins et de produits pharmaceutiques; (f) les besoins en matière financière,
technique et de recherche qui permettront de modérer le danger que pose le re-
cours aux armes biologiques et aux agents infectieux.
3. Que l’Association Médicale Mondiale incite les médecins à se sensibiliser à
l’existence de maladies et de décès inexpliqués et à connaître les moyens de
contrôle et de prévention capables de répondre à une incidence inhabituelle de cas
cliniques, de symptômes ou d’états pathologiques.
4. Que l’Association Médicale Mondiale invite les médecins, les associations médi-
cales nationales et autres organisations représentatives à collaborer avec les ser-
vices de l’hygiène locaux, nationaux et internationaux à l’élaboration et à la mise
en oeuvre de protocoles d’alerte préventive et d’intervention contre les actes de
terrorisme biologique et les épidémies naturelles. Ces protocoles serviront de
base à l’information des médecins et du public.
5. Que l’Association Médicale Mondiale invite instamment toutes les personnes qui
participent aux recherches biomédicales à examiner les conséquences et les
applications de leurs travaux et à assurer l’équilibre voulu entre les objectifs
légitimes de la recherche et leurs responsabilités éthiques envers la société.
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