Déclaration de l’AMM sur les pseudosciences et pseudothérapies dans le domaine de la santé


Adoptée par la 71ème Assemblée générale de l’AMM (en ligne), Cordoue, Espagne, octobre 2020

 

Définitions

  • Le terme « pseudoscience » (fausse science) désigne un ensemble d’affirmations, de suppositions, de méthodes, de croyances et de pratiques qui, sans avoir été éprouvées par une méthode scientifique valide et reconnue, sont faussement présentées comme scientifiques.
  • Le terme « pseudothérapies » (fausse thérapie) désigne des pratiques visant à guérir des maladies, soulager des symptômes ou améliorer l’état de santé par des protocoles, des techniques, des produits ou des substances sur la base de critères qui ne reposent pas sur des preuves scientifiques à jour et qui peuvent présenter un risque significatif, voire un danger.

 

PRÉAMBULE

La pratique de la médecine doit être fondée sur les données scientifiquement démontrées les plus probantes et actuelles disponibles. La zone grise entre la médecine conventionnelle et d’autres pratiques qui ne sont pas validées par des méthodes scientifiques forme l’univers complexe des pseudosciences et des pseudothérapies.

Les pseudosciences et pseudothérapies constituent un système complexe de théories, d’hypothèses, d’affirmations et de méthodes considérées par erreur comme scientifiques. Elles peuvent laisser penser à un patient qu’il existe une relation de cause à effet entre la pseudothérapie qu’il reçoit et une sensation d’amélioration de son état, c’est pourquoi ces pratiques peuvent être dangereuses et sont en tout cas contraires à l’éthique.

Il existe des thérapies et des techniques validées par la communauté scientifique qui, utilisées en complément (nutritionnel, de confort, de bien-être, en thérapies environnementales ou de relaxation, en soutien ou renforcement psychothérapeutique, en affectivité ou encore comme placebo) améliorent, dans le traitement de la pathologie, l’efficacité de la thérapie médicale principale et validée.

De nombreux pays manquent d’un cadre règlementaire dans lequel inscrire ces pseudothérapies, ce qui a leur permis de proliférer. Auparavant, la profession médicale les considérait comme inoffensives parce qu’elles sont perçues comme dépourvues d’effets secondaires, mais il y a désormais suffisamment de preuves qu’elles peuvent présenter un risque pour la sécurité du patient.

Ces pseudothérapies et pseudosciences sont potentiellement risquées à plus d’un titre.

  • Elles présentent le risque que les patients abandonnent des traitements médicaux ou des mesures de prévention efficaces au profit de pratiques dont la valeur thérapeutique n’est pas avérée et qui causent parfois de graves problèmes de santé, voire, dans certains cas, la mort.
  • Elles rendent beaucoup plus probables les retards et les pertes de chance de guérison par la prise de médicaments ou l’application tardives de protocoles et de techniques qui sont reconnus et recommandés par la communauté scientifique comme des interventions efficaces fondées sur des preuves scientifiques.
  • Elles peuvent coûter cher au patient, à la fois d’un point de vue financier, mais aussi sur les plans psychologique et physique, allant jusqu’à porter atteinte à leur dignité ou à leur intégrité morale.
  • Elles peuvent contribuer à la hausse du coût des soins de santé.

Toutes les nouvelles méthodes préventives, thérapeutiques ou de diagnostic doivent être testées conformément aux méthodes scientifiques et aux principes éthiques qui permettent d’évaluer leur sûreté, leur efficacité et leurs indications thérapeutiques.

Le devoir d’un médecin est de fournir des soins médicaux de qualité à tous les patients sur la base des données scientifiques les plus probantes et actuelles disponibles, comme il est rappelé dans la déclaration de Genève et dans le Code international d’éthique médicale de l’AMM, qui recommandent le respect des normes éthiques les plus élevées et les soins de la meilleure qualité possible pour la sécurité des patients. L’intérêt supérieur du patient doit prévaloir sur tout autre intérêt, y compris celui du médecin.

L’AMM réaffirme sa déclaration de Lisbonne sur les droits du patient et rappelle que la sécurité des patients requiert de tirer parti de toutes les possibilités pour le patient de recevoir des soins appropriés fondés sur des preuves scientifiques.

 

RECOMMANDATIONS

Dès lors, l’AMM formule les recommandations suivantes :

Aux autorités nationales de santé :

  1. Une règlementation stricte et appropriée, associée à de bonnes pratiques reconnues mondialement, est nécessaire pour faire face aux risques et réduire les dangers potentiels des pseudothérapies et des pseudosciences.
  2. Les autorités et les systèmes de santé nationaux devraient refuser de cautionner les pseudothérapies et d’en rembourser les coûts.
  3. Les autorités nationales devraient coopérer avec les organisations professionnelles médicales, les sociétés scientifiques et les associations de patients aux fins d’élaborer des campagnes de sensibilisation aux risques que présentent les pseudothérapies et les pseudosciences.

Aux Membres constituants de l’AMM et à l’ensemble de la profession médicale

  1. Les Membres constituants de l’AMM et les professionnels de la médecine doivent être conscients et reconnaître les risques que présentent les pseudothérapies et les pseudosciences.
  2. Les pseudothérapies et les pseudosciences ne doivent pas être considérées comme des spécialités médicales reconnues par la communauté scientifique, pas plus que les qualifications comme spécialiste ou sous-spécialiste d’une pseudoscience ne doivent être cautionnées légalement.
  3. Tout acte d’intrusion dans la profession médicale et toute activité relevant d’une pseudoscience ou d’une pseudothérapie qui présenterait un risque pour la santé publique doit être signalé aux autorités compétentes, ainsi que toute publicité trompeuse, tout site internet relatif à la santé non accrédité qui offrirait des services ou des produits qui pourraient menacer la santé de patients. La vie privée des patients doit toutefois être respectée. Les médias généralistes et spécialisés jouent un rôle essentiel dans la défense de la transparence et de la vérité en contribuant à l’information scientifique et à l’esprit critique du grand public.
  4. Les Membres constituants devraient travailler avec les gouvernements pour qu’ils adoptent les dispositions les plus strictes en vue de protéger les patients traités au moyen de pseudothérapies/pseudosciences. Lorsque de telles pratiques s’avèrent risquées ou contraires à l’éthique, il conviendrait qu’un système établi permette de les faire cesser immédiatement ou de restreindre drastiquement tout emploi d’un traitement classé comme complémentaire ou non conventionnel afin de préserver la santé publique.

Médecins

  1. Les médecins doivent continuer de pratiquer la médecine comme un service fondé sur l’application de connaissances scientifiques actuelles résistant à un examen critique et de compétences spécialisées relevant de leur spécialité et sur l’observation d’une attitude et d’un comportement éthiques, avec le soutien des organisations et des autorités impliquées dans la gouvernance et la régulation de la profession médicale. Individuellement, il leur incombe de maintenir ces connaissances, compétences, attitude et comportement à jour et de se tenir informés des progrès accomplis dans leur spécialité.
  2. Aux fins de la sécurité du patient et de la qualité des soins, un médecin doit jouir de la liberté de prescription, dans le respect des données scientifiques disponibles et des normes applicables.
  3. Le patient doit être dûment informé des options thérapeutiques disponibles, de leur efficacité et des risques qu’elles présentent et il doit pouvoir participer aux décisions thérapeutiques en vue de parvenir au traitement qui lui convient le mieux. Une bonne communication, la confiance mutuelle et les soins de santé centrés sur le patient constituent les pierres angulaires de la relation entre médecin et patient. Les patients devraient et les médecins doivent être en mesure d’expliquer les risques des pseudosciences et des pseudothérapies. L’éducation à la santé est essentielle.
  4. Les médecins devraient être formés à identifier les pseudosciences et les pseudothérapies, les sophismes, les biais cognitifs et devraient ainsi pouvoir conseiller leurs patients en toute connaissance de cause. Les médecins devraient savoir que certains groupes de patients, comme les personnes atteintes d’un cancer, d’une maladie psychiatrique ou d’une maladie chronique grave, ainsi que les enfants, sont particulièrement vulnérables face aux risques associés au recours à des pseudothérapies.
  1. Lorsqu’il reçoit les antécédents médicaux d’un patient (anamnèse), le médecin devrait s’enquérir de toutes les mesures thérapeutiques (scientifiques ou non) auxquelles le patient à été ou est encore exposé. Si nécessaire, le médecin devrait informer le patient des éventuels préjudices associés au recours à des pseudosciences ou des pseudothérapies.
  1. Le médecin se doit d’informer le patient qu’un traitement complémentaire ne saurait remplacer ou supplanter un traitement médical principal validé.

Note : La présente déclaration ne porte pas sur les médecines traditionnelles ancestrales ni sur les médecines dites autochtones, qui sont profondément ancrées au sein des peuples et des nations et sont inhérentes à leur culture, leurs rites, leurs traditions et leur histoire.

 

Déclaration
Fausse science, Fausses thérapies, Pratiques de soin non conventionnelles (PSNC)., Pseudosciences, Pseudotherapies, Thérapies non conventionnelles, Thérapies non validées scientifiquement