Archivé: Déclaration de l’AMM sur la Prescription, en Médecine Ambulatoire, de Médicaments de Substitution, en Cas de Dépendance aux Opiacés


Adoptée par la 47e Assemblée générale Bali (Indonésie), Septembre 1995
et supprimée à l’Assemblée générale de l’AMM, Pilanesberg, Afrique du Sud, octobre 2006

PREAMBULE

Un grand nombre de régions du monde sont actuellement confrontées aux drames fréquents engendrés par la dépendance aux opiacés. Ils apparaissent dans quatre domaines:

  1. La santé: état physique et psychique du toxicomane; propagation d’infections virales comme celles du HIV et de l’hépatite virale B ou C par le partage de seringues souillées et la pratique de rapports sexuels non protégés;
  2. Le délabrement de l’environnement familial, professionnel et social;
  3. La déchéance de la personne: incitation à la prostitution des deux sexes pour payer la drogue, hospitalisation, emprisonnement, etc.;
  4. La sécurité publique: recours à la criminalité pour se procurer la drogue ou l’argent destiné à acheter la drogue.

L’Association Médicale Mondiale, concernée par une calamité médico-psycho-sociale d’une telle ampleur, se doit de formuler des recommandations pour les médecins impliqués dans le traitement de la dépendance aux opiacés. L’AMM a déjà brièvement traité ce sujet dans la Déclaration sur l’emploi et l’abus des drogues psychotropes (Doc. 20.30). Cependant, compte tenu de la situation actuelle, il importe de soumettre des principes directeurs plus spécifiques et plus élaborés que ceux présentés dans cette déclaration.

PRISE DE POSITION

Le toxicomane dépendant des opiacés est un citoyen à part entière, avec ses droits et ses devoirs. Sa toxicodépendance exprime une souffrance et conduit à des difficultés physiques, psychiques et sociales; même prolongée, elle doit être considérée comme une situation transitoire. Ces personnes doivent avoir accès à une aide qui respecte leur dignité. Elles doivent être prises en charge comme des malades, dans les mêmes conditions que pour toute autre déficience de santé. La finalité des traitements doit toujours viser à les rétablir dans une vie libre et responsable.

Le traitement de l’assuétude aux opiacés se révèle souvent très difficile. Parmi les nombreux programmes proposés dans les différents pays concernés par l’expansion de telles dépendances, deux courants se dégagent: les « communautés thérapeutiques » (protection externe) et la prescription de médicaments de substitution (protection interne).

L’utilisation des médicaments de substitution en médecine ambulatoire ne constitue certes pas la solution idéale (qui devrait être recherchée par la poursuite de travaux et d’évaluations scientifiques) au problème de cette toxicodépendance. Toutefois, cette méthode en tant qu’ « outil thérapeutique » existe, est employée à de nombreux endroits du monde, et peut contribuer, partiellement et en attendant mieux, à limiter les dégâts. Elle a pour ambition idéale le sevrage du patient et sa réinsertion dans son milieu familial, professionnel et social, sans entretien abusif de sa dépendance. Le profil dégressif de la posologie devrait être inlassablement voulu par le médecin prescripteur.

Quoi qu’on fasse, il s’agit d’un phénomène pour lequel nous ne connaissons pas encore de « solution-miracle ». L’utilisation médicale comme produit de substitution à l’héroïne (diacétylmorphine), d’opiacés de synthèse (et plus particulièrement, mais pas uniquement de la méthadone, connue depuis une cinquantaine d’années) pose des problèmes fondamentaux (sevrage, pharmacologie, etc…), cliniques (programmes de traitement, prescription, délivrance, surveillance), légaux (lois et règlements) et éthiques.

En conséquence, en médecine ambulatoire, les traitements à base de médicaments de substitution devraient être soumis à des directives fondées sur l’expérience acquise au cours des dernières décennies par les intervenants en toxicodépendance, notamment d’Amérique du Nord et d’Europe. Dans beaucoup de pays, des dispositions légales existent en matière de traitement des personnes dépendant des opiacés. Les Associations Nationales Médicales s’efforceront, si nécessaire, de promouvoir l’amélioration des textes légaux inadéquats.

RECOMMANDATIONS

  1. Le médecin s’interdira de prescrire un médicament, quel qu’il soit, à la seule demande du patient, sans que l’état de ce dernier le justifie médicalement.
  2. En médecine ambulatoire, la prescription d’un traitement de la dépendance aux opiacés, par un médicament de substitution, sera soumise à des directives fondées sur l’expérience.
  3. Le but idéal du traitement est toujours le sevrage du patient; il peut toutefois n’être atteint qu’à long terme.
  4. L’usage du produit de substitution permet de stabiliser le patient médicalement, psychologiquement et socialement, et donc de le réinsérer sans délai dans ses milieux familial et professionnel. Il permet également de réduire à son profit les risques de contracter des virus comme le HIV ou l’hépatite B ou C, transmis par des seringues souillées. En outre, la criminalité induite par le coût des opiacés, ne peut que régresser.
  5. Tout traitement par médicament de substitution ne pourra être instauré qu’après diagnostic précis. Il sera supervisé minutieusement par un médecin compétent, expérimenté et en relation avec une équipe d’accompagnement.
  6. Le médecin limitera le nombre de patients dépendant des opiacés qu’il prendra en charge de façon à assurer à chacun des soins attentifs et consciencieux. Il tiendra, dans chaque cas, un dossier médical détaillé, avec description du traitement prescrit et évaluation des résultats.
  7. La prescription et l’administration du produit de substitution devront être telles qu’elles empêchent tout stockage, toute revente, ou tout autre usage illicite.
  8. En l’absence de toute législation nationale opposable, le patient doit, pour recevoir un médicament de substitution, se soumettre régulièrement à des contrôles biologiques impromptus et supervisés (urines, par exemple), permettant d’exclure la prise simultanée d’autres drogues, et/ou le traitement simultané par un autre médecin, à l’insu des deux praticiens.
Prise de position