Les médecins condamnés reçoivent un message de soutien de leurs homologues du monde entier


Au nom de millions de médecins à travers le monde, l’Association médicale mondiale (AMM) a adressé une lettre ouverte à tous les médecins turcs pour leur apporter son soutien, notamment à ceux qui ont été condamnés à des peines de prison pour avoir déclaré dans un communiqué de presse que « la guerre est un problème de santé publique ».

Dans cette lettre ouverte, les dirigeants de l’AMM dénoncent « la campagne d’obstruction permanente » menée par l’État turc contre les médecins et affirment : « Nous sommes choqués et profondément inquiets de la récente décision du tribunal pénal d’Ankara, qui a condamné les membres du conseil d’administration de l’Association médicale turque à des peines de prison pour avoir appelé à la paix. C’est une aberration pure et simple. »

La phrase incriminée, « la guerre est un problème de santé publique », figurait dans un communiqué de presse publié le 24 janvier 2018 par onze médecins membres du conseil d’administration de l’Association médicale turque. Ce communiqué visait à attirer l’attention sur les conséquences sanitaires de la guerre et soulignait la mission des médecins de protéger la vie et de s’engager en faveur de la paix. Àla suite de ce communiqué, les onze médecins ont été accusés de « propagande en faveur d’une organisation terroriste » et d’« incitation à la haine et à l’hostilité publiques », reconnus coupables de ces crimes et condamnés à vingt mois d’emprisonnement. Tous font appel de cette décision.

Le Président du Conseil de l’AMM, le Dr Frank Montgomery et le Secrétaire général de l’Association, le Dr Otmar Kloiber ont écrit dans leur message de soutien aux médecins turcs : « Comme vous, nous estimons que les médecins ont pour devoir de dénoncer la violence et d’alerter les gouvernements sur les effets sanitaires dramatiques, à court comme à long terme de la guerre et des conflits armés. Le fait d’exprimer une opinion en faveur de la paix ne saurait être considéré comme une infraction dans une démocratie. Au contraire, il s’agit là d’un droit humain essentiel, protégé par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que la Turquie a ratifié en 2003. »

Ils accusent l’État turc de tenter de faire taire les voix de ses médecins et ajoutent : « Nous sommes conscients que de nombreux médecins sont actuellement la cible d’une campagne d’obstruction permanente menée sous le prétexte de l’état d’urgence, qui les empêche d’exercer leur profession dans des conditions convenables. Non seulement cette campagne porte atteinte à leur droit de travailler, mais elle prive également des millions de personnes d’un accès à des soins de santé.

S’attaquer à des médecins revient en définitive à s’attaquer à l’ensemble de la population turque, qui se voit ainsi exposée à plus de maladies, de souffrance et de morts prématurées, à davantage d’insécurité et de pauvreté. C’est pourquoi nous doutons sérieusement que l’actuel état d’urgence serve réellement les objectifs affichés.

En notre qualité de médecins, nous faisons le serment de privilégier la protection de la vie humaine sur tout le reste. Nos valeurs sont fondées sur l’éthique médicale et comprennent le respect de l’autonomie, le fait de ne pas nuire, la bienfaisance et la justice. Soyez assurés de notre solidarité et de notre engagement commun à protéger ces normes éthiques de toute atteinte. »